NORD-SUD et CRIMES COLONIAUX et POSTCOLONIAUX
AVERTISSEMENT : Ce qui suit ne prétend nullement évoquer l’ensemble des crimes coloniaux et postcoloniaux : il y faudrait hélas plusieurs gros volumes ! Mon but est de sensibiliser mes « visiteurs » à des CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ qui se commirent à l’époque coloniale, mais aussi plus récemment, après que les « colonies » eurent été officiellement abolies. Mais je ne cède pas au mythe du « bon sauvage » pour autant, ne serait-ce déjà que par le fait que cette expression pue la suffisance imbécile.
Signalons, puisque ce site est en français, « Massacres coloniaux. 1944-1950 : la IVe République et la mise au pas des colonies françaises » d’Yves BENOT (La Découverte, 1994, rééd. en livre de poche, La Découverte, 2001, complété par une préface).
Jacques MOREL, auteur du livre « La France au cœur du génocide » (L’Esprit frappeur & Izuba, Paris, 2010) a publié un « CALENDRIER DES CRIMES COLONIAUX », que vous trouverez aisément sur la Toile.
Pour une approche globale des relations Nord-Sud (et de leurs aspects cachés), mon livre SOLIDAIRES ! est une introduction utile, d’autant plus que sa bibliographie permet au lecteur d’approfondir tel ou tel sujet : Le devoir d’informer – Notre Terre – Solidarité avec le Sud – L’innocence violée (la pédophilie) – L’honneur perdu de l’Eglise ? – Des psychiatres solidaires – « Frères » : purs ou mafieux ? (la franc-maçonnerie) – Fraternité planétaire ? Pour l’obtenir : contact.
L’AFRIQUE est au cœur de mes préoccupations, mais LES AUTRES PARTIES DU MONDE COLONISÉES ET EXPLOITÉES ne seront pas oubliées…
ESCLAVAGE, COLONISATION, CRIMES (POST)COLONIAUX, « FRANÇAFRIQUE »
« Quand les missionnaires sont venus, nous avions la terre et ils avaient la Bible.
Ils nous ont appris à prier avec nos yeux fermés.
Quand nous les avons ouverts, ils avaient nos terres, et nous avions leur Bible. »
JOMO KENYATTA, père de l’indépendance du Kenya,
dont le nom signifie « Javelot flamboyant du Kenya ».
« Une dette immense pèse sur nous et notre civilisation.
Nous ne sommes pas libres de choisir si nous voulons ou non
faire du bien aux hommes de couleur, nous le devons ;
le bien que nous leur faisons est un acte, non de charité, mais de réparation. »
Albert SCHWEITZER, médecin et missionnaire protestant
« La Françafrique, c’est comme un iceberg.
Vous avez la face du dessus, la partie émergée de l’iceberg :
la France meilleure amie de l’Afrique, patrie des droits de l’homme, etc.
Et puis ensuite, vous avez 90% de la relation qui est immergée :
l’ensemble des mécanismes de maintien de la domination française en Afrique
avec des alliés africains… »
« Ce que nous démontrons c'est qu'à partir du tournant des années soixante,
un système a été mis en place pour continuer à opprimer les pays africains
qui venaient d'accéder à leur indépendance vis-à-vis de la France.
Ce système est constitué par des réseaux qui ont été développés et entretenus
pour continuer comme avant.
C'est la suite de la colonisation qui se poursuit sous d'autres modes.
Or, le système de la colonisation était quand même bel et bien le système d'appropriation
des richesses de l'Afrique par des étrangers. Et on a toujours continué,
en s'alliant avec un certain nombre de responsables africains : ce sont les amis de la France...
Dans la Françafrique il y a eu un processus de sélection des chefs d’Etat :
par la guerre comme au Cameroun, par l'élimination comme au Togo ou en Centrafrique,
ou encore par la fraude électorale... »
François-Xavier VERSCHAVE, économiste, président de « Survie » (1995-2005),
auteur notamment de « La Françafrique – Le plus long scandale de la République ».
« Eh bien ! Monsieur Truguet, si vous étiez venu en Egypte
nous prêcher la liberté des Noirs ou des Arabes,
nous vous eussions pendu au haut d’un mât. (…)
Je suis pour les blancs parce que je suis blanc. :
je n’en ai pas d’autre raison, et celle-là est la bonne.
Comment a-t-on pu donner la liberté à des Africains,
à des hommes qui n’avaient aucune civilisation,
qui ne savaient seulement pas ce que c’était que colonie,
ce que c’était que la France ? »
NAPOLÉON BONAPARTE, Consulat, an XI
« Dans ces pays-là, un génocide c’est pas trop important. »
François MITTERRAND, Président de la République français de 1981 à 1995,
volontiers appelée « Pays des Droits de l’Homme »,
parlant avec ses proches, été 1994, à propos du génocide des Tutsi du Rwanda,
dans lequel la France est impliquée au premier chef.
(Cité par Patrick de Saint-Exupéry dans « Le Figaro » du 12 janvier 1998.)
« Moins le blanc est intelligent, plus le noir lui paraît bête. »
André GIDE, écrivain français, « Voyage au Congo », 1927
(La dénonciation par Gide du colonialisme été lucide et courageuse,
mais il eût été préférable d’écrire :
« Plus le blanc est bête, moins le noir lui paraît intelligent ». CB)
« Ces mots, esclavage et droit, sont contradictoires ;
ils s’excluent mutuellement. »
Jean-Jacques ROUSSEAU, 1712-1778, « Du Contrat social », I, 4.
Pour le franc-maçon Victor SCHŒLCHER (1804-1893),
l’esclavage « doit toujours exciter en nous une haine vigoureuse et invincible »,
car il est « un crime », un vice politique aussi bien que moral,
un attentat au bon sens et à l’équité.
Du côté anglo-saxon, le mouvement abolitionniste s’inspira auss
de la philosophie des Lumières et des idéaux de la révolution française,
mais il prit son essor surtout chez les Quakers,
protestants « non-conformistes », c’est-à-dire non anglicans,
pour qui égalité et fraternité n’étaient pas de vains mots
et dont Voltaire sut admirer la liberté d’esprit.
« Dans la lumière, le monde reste notre premier et notre dernier amour.
Nos frères respirent sous le même ciel que nous, la justice est vivante.
Alors naît la joie étrange qui aide à vivre et à mourir
et que nous refuserons désormais de renvoyer à plus tard. »
Albert CAMUS, « L’homme révolté »
Pour en savoir plus : chapitre « Solidarité avec le Sud »,
du livre SOLIDAIRES !
(en cours de rédaction)
LE « CODE NOIR » promulgué en 1685 par LOUIS XIV
(en cours de rédaction)
Au début du XIX e siècle, une Africaine fut exhibée dans les foires d’Europe, comme un animal. Elle s’appelait Saartjie Baartman, mais fut baptisée sous le nom de Sarah Bartman. Aujourd’hui encore on parle d’elle comme de « la Vénus hottentote », la réduisant à son fessier extraordinaire (elle était stéatopyge). En 1809, cette jeune femme débarqua en Grande-Bretagne, avant de rejoindre la France. En Afrique du Sud, son maître, Caezar, lui avait promis de quoi vivre convenablement et rentrer au pays avec un pécule. Mais elle se retrouva esclave, exhibée dans les foires et les jardins d’acclimatation de Londres et de Paris, puis dans des salons et des lupanars. Badauds et scientifiques étaient obsédés non seulement par son fessier volumineux (stéatopygie), mais surtout par une particularité anatomique des Hottentotes, leur « tablier », c’est-à-dire l’hypertrophie des lèvres internes de la vulve (macronymphie, et il serait en l’occurrence impropre de parler de « petites lèvre »), obtenue par des étirements au cours de l’enfance et de l’adolescence. Le célèbre anatomiste Georges Cuvier fut chargé de disséquer le corps de Sarah après sa mort. A Paris, en 1817, dans l’enceinte de l'Académie Royale de Médecine, face au moulage du corps de Saartjie Baartman et devant un parterre de distingués collègues qui l’applaudissent, Cuvier est catégorique : « Je n'ai jamais vu de tête humaine plus semblable à celle des singes ». Ses restes furent rendus à l’Afrique du Sud en 2002, après avoir passé des décennies dans une vitrine du Musée de l’Homme à Paris. Il faudra d'ailleurs attendre 1969 pour que prenne fin à Paris l’exhibition de « phénomènes » humains.
Pour en savoir plus: le livre de Carole Sandrel, « Vénus et Hottentote » (Perrin, 2010). En racontant l’histoire de Saartjie Baartman, Carole Sandrel plonge dans les mentalités d’une époque et dénonce les fantasmes des hommes.
Le film « Vénus noire », d’Abdellatif Kechiche (2010), est un hommage posthume, émouvant et remarquable, à cette femme humiliée, qui dut livrer son corps en pâture au public des foires aux monstres, puis aux clients des bordels. Et à travers elle, ce film rend hommage à l’Afrique si longtemps humiliée, mais qui, désormais, ici s’est pleinement réveillée, et là commence à se réveiller, après une ou deux générations de postcolonialisme hypocrite. L’actrice, Yahima Torres, d’origine cubaine, a un visage dont les expressions ne se départissent jamais d’une noblesse qui contraste avec la vulgarité des badauds et de la plupart des scientifiques, obsédés par sa stéatopygie et par sa macronymphie (voir ci-dessus). Inciter étudiants, lycéens et grand public à voir ce film, c’est les aider à comprendre mieux ce qu’a subi l’Afrique, et ce qu’ont subi les femmes africaines en particulier, quand le regard de presque tous les Blancs, jusqu’à une période assez récente et fussent-ils cultivés, tenait les « nègres » pour des créatures intermédiaires entre les singes et le véritable être humain…
ÂNERIES DU RACISME – lequel par ailleurs sert de prétexte à l'exploitation des « races inférieures » :
Voici sept extraits du chapitre « Le regard qui rejette ‘l'autre’ » du livre UN REGARD DIFFÉRENT de Christophe Baroni (© 1996, Lueur d’espoir, Nyon, Suisse, 1996) :
1--- « A part quelques attardés souvent plus ridicules qu'odieux, qui ose encore s'affirmer raciste ? Il n'est pas sans intérêt de relire les déclarations de brillants esprits du passé : elles font aujourd'hui sourire, Dieu merci, et pourraient presque passer pour des plaisanteries, mais elles prouvent que le racisme n'a pas toujours été le fait des imbéciles seulement. Ainsi Montesquieu, fondateur de la science politique moderne, écrit dans 'L'Esprit des Lois', à propos des Noirs réduits en esclavage : 'Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête, et ils ont le nez si écrasé qu'il est presque impossible de les plaindre. On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir.' Il disait tout haut ce que chacun pensait tout bas, et sera le dernier à commettre cette faute de goût, ce crime contre l'hypocrisie, commente Pierre Pluchon dans son livre passionnant, 'Nègres et Juifs au dix-huitième siècle : le racisme au siècle des Lumières'. »" CB
2--- « 'Ignorants, lâches et paresseux': tels sont les adjectifs par lesquels le Dictionnaire de Trévoux, édité avant la Révolution française, prétend définir les Noirs. 'Tout Blanc se croit né pour commander à celui qui n'a pas le bonheur d'être de sa couleur : de là naissent un despotisme inconcevable, d'une part, et un avilissement prodigieux de l'autre, déclarait en 1789 M. de Bory, ancien gouverneur général de Saint-Domingue, dans ses 'Mémoires sur l'administration de la marine et des colonies'. » CB
3--- « Le racisme est moins la cause que le prétexte de l'exploitation. Au lecteur qui en douterait, je conseille de lire attentivement l'article 'Racisme' de l'excellente 'Encyclopædia Universalis' : avec toute la précision nécessaire, il y est montré à quel point le racisme est 'la valorisation, généralisée et définitive, de différences biologiques, réelles ou imaginaires, au profit de l'accusateur et au détriment de sa victime, afin de justifier une agression'. Pour les scientifiques, par ailleurs, la notion même de race est aujourd'hui dépassée: il faudrait parler de 'groupes ethniques', et l'intrication des facteurs biologiques et des facteurs culturels rend délicate même la définition de 'groupe ethnique'. » CB
4--- « Les travaux d'un historien africain, Cheikh Anta Diop (1923-1986), tendent à démontrer que les premiers habitants de la basse vallée du Nil étaient des Noirs et que des pharaons de race noire ont régné en Egypte. Or cette thèse s'est heurtée à une forte résistance en Europe et tout particulièrement en France, non en vertu d'arguments purement objectifs, mais parce qu'au fond de lui l'Occidental n'est pas prêt à remettre en question la certitude – solidement ancrée dans les zones irrationnelles de son psychisme – qu'une civilisation aussi prestigieuse que celle de l'Egypte antique n'a pu être que 'blanche'. » CB
5--- « D'amusantes âneries furent inspirées au monde médical par le racisme. Ainsi, dans un 'Rapport sur les maladies et les singularités physiques de la race nègre' publié en 1851 dans le 'Journal médical et chirurgical de la Nouvelle-Orléans', alors prestigieux, le docteur Samuel A. Cartwright affirma que des esclaves noirs qui refusent de travailler pour leurs maîtres et qui détruisent comme par mégarde les biens de ceux-ci souffrent de 'dysæsthesia Æthiopis', alors que ceux qui s'enfuient vers les Etats-Unis souffrent de 'drapetomania'. » CB
6--- « Manifestation classique de racisme, on parle volontiers de la 'liberté sexuelle' des Africains et Africaines. L’œil de l'Occidental devient vite égrillard à cette évocation : attitude d'autant plus déplaisante que même vieux et moche, il peut pour quelques dollars s'offrir des beautés à couper le souffle, et croire se justifier par l'idée qu''elles aiment tant ça'. Une affiche publicitaire scandaleuse d'une grande marque de chocolats vient d'être accusée à juste titre, par deux associations féminines françaises, d'inciter au viol : elle représente une femme noire, nue, striée de marques blanches, avec le slogan 'Vous avez beau dire non, on entend oui'. Une mise au point s'impose, car seul un regard différent rend justice à la grande santé africaine. Il s'agit plutôt, fait observer Thérèse Kuoh Moukoury, fondatrice de l'Union des femmes africaines, de 'la simplicité des relations amoureuses, de la spontanéité et de la pureté du désir et du plaisir (qui n'ont presque jamais besoin d'artifices)'. (...) Comment ne pas sentir combien celui qui rabaisse la Noire – ou le Noir – au rang d'objet sexuel prouve non l'infériorité de l'autre, mais sa propre vulgarité, sa propre infériorité ? Du reste, à l'imaginer nu ou presque nu sur une plage exotique, à l'affût d'une jeune femme ou même d'enfants, n'est-on pas saisi d'un dégoût où l'esthétique a sa part et non pas seulement l'éthique ? La tentation d'un racisme à l'envers nous prend alors. » CB
7--- « En particulier grâce aux travaux de Claude Lévi-Strauss, nous prenons lentement conscience de l'ethnocentrisme arrogant de notre société occidentale. Toute culture a de la peine à prendre en considération des facultés humaines étrangères à ses propres normes, mais notre avance technologique nous gonfle d'un sentiment particulier, et injustifié, de supériorité. Il nous incline à croire incarner la notion même de civilisation ! Nous en sommes venus à imaginer que nous avions tout à apporter aux 'primitifs', aux 'sauvages', notre foi en Jésus-Christ aussi bien que nos techniques. Or l'Occidental 'moyen', souvent obsédé par l'argent ou le pouvoir, affligé d'une dangereuse obésité, est loin d'être, sur le plan humain ou sur le plan esthétique, un modèle. Dans le domaine de l'art s'est longtemps manifesté aussi notre ethnocentrisme : les créations des 'sauvages' étaient décriées comme 'balbutiements prélogiques' entachés de 'primitivisme', manifestations grossières de l'instinct sexuel – une telle attitude méprisante rendit plus facile le pillage, quand prit son essor le commerce lucratif des objets de ‘l'art primitif'. » CB
L’EXCEPTION « TUTSI », génératrice de génocide – un génocide qui est aussi le pire crime postcolonial des autorités françaises (un million de morts en trois mois, en 1994)
Par Christophe Baroni, © février 2011, Nyon, Suisse.
Le chapitre « Avant la morphopsychologie » de mon livre LES RÉVÉLATIONS DES GESTES ET DU VISAGE (2010) dénonce les mensurations pseudoscientifiques du crâne à l’époque où sévissaient la « craniométrie » et la « phrénologie » et montre combien ces mensurations sont étrangères à l’esprit de la morphopsychologie moderne, fondée par le docteur Louis Corman. J’y signale qu’elles eurent un effet inattendu : en isolant les Tutsi du Ruanda-Urundi des « nègres » et en voyant en eux « des Caucasiens à peau noire », voire « une race de seigneurs », les « scientifiques » allaient préparer sans le savoir le calvaire des Tutsi en incitant colons et missionnaires à les favoriser, ce qui détruisit l’harmonie séculaire entre Hutu, Tutsi et Twa au sein de chaque clan, puis instilla dans le cœur des Hutu et des Twa un profond sentiment d’infériorité et peu à peu une haine aux conséquences tragiques.
En 1925, le ministère belge des Colonies, dans son Rapport sur l’administration belge au Ruanda-Urundi, affirme que « le Mutwa réunit assez bien au physique l’aspect général du singe dont il hante les forêts » et que les Hutu, « expansifs, bruyants, rieurs et simples », sont « petits, trapus, ont la figure joviale, le nez largement épaté, les lèvres énormes », alors que le Tutsi « de bonne race n’a, à part la couleur, rien de nègre » : « Ses traits, dans la jeunesse, sont d’une grande pureté : front droit, nez aquilin, lèvres fines s’ouvrant sur des dents éblouissantes. D’intelligence vive, souvent d’une délicatesse de sentiment qui surprend chez des primitifs, possédant un extraordinaire empire sur lui-même, sachant sans effort se montrer bienveillant ».
Dans la région des Grands Lacs, administrateurs coloniaux et missionnaires adhèrent alors pour la plupart à la « théorie hamite », selon laquelle les Tutsi seraient une race à part, probablement non originaire du continent africain tenu pour « primitif » : ils seraient venus du nord, alors que les Hutu et les Twa, eux, seraient de vrais « négroïdes », des Africains de souche – aussi, quand éclatera la « Révolution hutu », nombre de Tutsi seront-ils jetés dans un affluent du Nil avec ces cris de haine : « Retournez d’où vous êtes venus ! »
L’Allemagne est évincée de la région après la Première Guerre mondiale, et remplacée par la Belgique. En 1926, la Société des Nations confiera à la Belgique un mandat de tutelle prévoyant une « mission de civilisation » fondée sur un système d’administration indirecte. Vicaire apostolique, Mgr Classe estime que l’ossature du Rwanda repose sur les Tutsi et lance en 1930 cet avertissement : « Le plus grand tort que le gouvernement [belge] pourrait se faire à lui-même serait de supprimer la caste Mututsi. Une révolution de ce genre conduira le pays tout droit à l’anarchie et à un communisme haineusement antieuropéen. En règle générale, nous n’aurons pas de chefs meilleurs, plus actifs, plus capables de comprendre le progrès et même plus acceptés par le peuple que les Batutsi, qui ont un vrai sens du commandement et un tact politique réel. » (Cité dans « Au cœur de l’ethnie. Ethnies, tribalisme et Etat en Afrique », sous la dir. de J.-L. Anselme et E. M’Bokolo, Edit. La Découverte, Paris, 1985.) L’administration tutélaire s’appliquera à démettre chefs et sous-chefs hutu de leurs fonctions et à les remplacer par des Tutsi, cela sur fond de hantise du communisme et de volonté de rester maîtresse du jeu. Le mwami (c’est-à-dire le roi, par définition un Tutsi) Musinga se montrant rebelle à la « vraie » religion (le catholicisme), Mgr Classe le fait déposer par l’administration tutélaire et remplacer par son fils Rudahigwa, plus malléable. Les conversions deviennent si nombreuses que les missionnaires diront qu’au Rwanda, « le Saint-Esprit souffle en tornade ». Ayant le monopole de l’enseignement, l’Eglise ne forme parmi les Rwandais que des cadres subalternes. Elle répand des théories racistes délirantes, comme en témoigne cet extrait du Bulletin des anciens élèves d’Astrida (aujourd’hui Butare).cité par l’historien Jean-Pierre Chrétien devant la Mission d’information parlementaire chargée de faire la lumière (ou de faire semblant de faire la lumière ?) sur le rôle de la France dans le génocide de 1994 : « De race caucasienne aussi bien que les Sémites et les Indo-Européens, les peuples hamitiques n’ont à l’origine rien de commun avec les nègres. La prépondérance du type caucasique est restée nettement marquée chez les Batutsi… leur taille élevée – rarement inférieure à 1,80 m – … la finesse de leurs traits imprégnés d’une expression intelligente, tout contribue leur mériter le titre que leur ont donné les explorateurs : nègres aristocratiques. »
Cette admiration tourne à la peur, puis à la haine dans les années 50. On est alors en pleine guerre froide, les colonies aspirent à l’indépendance. Or, l’élite dirigeante tutsi, si longtemps favorisée par les Blancs, commet le crime des crimes : elle regarde vers Moscou, vers Pékin, et envisage de remettre en cause le monopole de l’Eglise catholique sur l’enseignement. Les pays du bloc communiste encouragent le roi Mutara III à se débarrasser au plus tôt de la tutelle de la Belgique. A l’ONU, les Afro-Asiatiques demandent des comptes, déplorent l’absence d’économie moderne, l’hégémonie absolue de l’Eglise catholique, le manque d’écoles laïques. Mutara III prévoit d’aller à New York plaider la cause de l’indépendance du Rwanda devant les Nations Unies. Il se rend à Bujumbura pour les vaccins obligatoires, mais c’est un remplaçant qui les lui administre en plus de ses traitement habituels et surtout lui fait une mystérieuse piqûre de pénicilline qui provoque presque instantanément sa mort, le 25 juillet 1959. Il n’y aura pas d’autopsie. Son frère, qui lui succède sous le nom de Kigeri V, restera persuadé que Mutara III a été empoisonné.
Dans une lettre de 1959, Mgr Perraudin, un Suisse, très influent au Rwanda, par ailleurs fort écouté par le gouvernement helvétique, où il a ses entrées, désigne sans ambiguïté les ennemis de son Eglise et les diabolise expressément : « Le communisme est actif ; Satan existe ». Les réseaux de l’Action catholique et de l’Internationale démocrate chrétienne (IDC) sont activés contre les Tutsi : ces « aristocrates » sont des « communistes » ! Sur fond de hantise du communisme, mais aussi en fonction de cette idée préconçue selon laquelle les Tutsi seraient plus intelligents, donc moins aisément manipulables, la Belgique et L’Eglise catholique opèrent un tête-à-queue et, au nom de la démocratie (quelle hypocrisie !), favorisent la « révolution hutu ». Lors de la « Toussaint rwandaise » de novembre 1959, environ 20'000 Tutsi sont massacrés, et l’on estime que 300'000 partent en exil vers les pays voisins : Ouganda, Tanzanie, Burundi, Zaïre. La haine des Hutu envers les Tutsi ne fera que croître sous le régime de Kayibanda, puis sous le régime d’Habyarimana, entretenue et attisée par le Pouvoir : elle explosera au printemps 1994 lors du génocide des Tutsi du Rwanda. Les Tutsi avaient été systématiquement diabolisés : leurs oreilles « pointues » faisaient d’eux des sortes d’extraterrestres terrifiants, on les ravalait au rang d’animaux en les traitant de « serpents » ou de « cancrelats » (d’où le nom de l’opération « Insecticide » lancée discrètement par l’Armée française pour venir en aide aux Hutu lors du génocide perpétré contre les Tutsi : voir POUR COMPRENDRE LA TRAGÉDIE DU RWANDA). Cette diabolisation, cette animalisation allaient faciliter le passage à l’acte génocidaire, tout comme avoir caricaturé les Juifs sous l’aspect de « rats » avait frayé la voie à leur extermination par les nazis.
La responsabilité des autorités françaises dans cette diabolisation des Tutsi est évidente, comme l’a clairement démontré le journaliste Serge Farnel (« Metula News Agency », info 012405/5, www.menapress.com) : c’est l’état-major de François Mitterrand qui répandra largement, par le Centre d’Information et de Relations Publiques des Armées (CIRPA) et par les services secrets, le mythe des « Khmers noirs » et la croyance selon laquelle les Tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), dirigé par Paul Kagame, allaient faire régner la barbarie sur la population hutu. C’est sur cette base que la Cellule africaine de l’Elysée a tenté, et tente encore, de justifier son soutien sans faille aux assassins.
Avant la mise en œuvre effective du génocide au printemps 1994, les dirigeants du « Pays des droits de l’homme » vont développer la notion de « génocide préventif », dont les extrémistes hutu assureront la réalisation, poursuit Serge Farnel. Dans cette logique, M. Quesnot, chef de l’état-major de l’Elysée, déclare le 29 avril 1994, alors même que, bénéficiant du soutien de la France, les forces opposées au FPR sont en train de commettre un génocide : « Le FPR est le parti le plus fasciste que j'ai rencontré en Afrique, il peut être assimilé à des Khmers noirs. »
Un million de morts, presque tous des Tutsi, hommes, femmes, enfants, vieillards : voilà probablement le plus grave crime postcolonial de la France.
Le magazine français « Marianne » prendra le relais et fera explicitement référence à ce mythe des Khmers noirs, notamment le 1er septembre 2003 : le journaliste Patrick Girard y qualifie le président rwandais tutsi, Paul Kagame, de « leader des Khmers noirs ».
Les Hutu seraient-ils des sadiques, par nature ? Idée absurde, et d’ailleurs contredite par les contacts que l’on peut avoir avec la plupart d’entre eux en temps « normal », loin de tous ces appels au massacre systématique lancés par les médias officiels et aussi par la Radio Télévision Libre des Mille Collines, « les médias de la haine », avant et pendant le génocide de 1994. Mais, par la faute des colons et des missionnaires, les Hutu se sont sentis inférieurs aux Tutsi. Le « Manifeste des Bahutu » de 1957, rédigé au séminaire de Kabgayi par Grégoire Kayibanda avec le secours de Pères blancs, reprend le mythe des Tutsi colonisateurs hamites : les Hutu seraient les victimes d’un colonialisme « pire » que celui des Blancs, le « colonialisme hamite » : il s’agit de ne plus se laisser prendre dans « le filet féodo-colonialiste des Tutsi », lesquels n’ont qu’à aller « se réinstaller chez leurs pères en Abyssinie ». Le profond sentiment d’infériorité des Hutu se révèle dans les « Dix commandements du Hutu », publiés le 6 décembre 1990 dans un périodique proche du pouvoir, « Kangura » : le 1er et le 2e de ces dix commandements mettent en garde les Hutu contre les charmes des femmes tutsi (effectivement fort prisées des Hutu riches), car « une femme tutsi où qu’elle soit travaille à la solde de son ethnie ». Le 2e commandement juge important de faire l’éloge des femmes hutu : « Tout Muhutu doit savoir que nos filles Bahutukazi sont plus dignes et plus conscientes dans leur rôle de femme, d’épouse et de mère de famille. Ne sont-elles pas jolies, bonnes secrétaires et plus honnêtes ? » Comme s’il était urgent, voire vital pour la cause des Hutu de valoriser les femmes hutu, face aux charmes, dangereux sinon diaboliques, des femmes tutsi !
Un profond sentiment d’infériorité est très souvent à la base d’une haine inextinguible. Souvenez-vous de la réponse du roi Christian X du Danemark, quand les nazis s’efforçaient de faire régner leur « ordre » dans son pays. Ils lui demandèrent quelle était sa politique face aux Juifs. Il répondit que dans son pays il n’y avait pas de problèmes avec les Juifs, les Danois… ne se sentant pas inférieurs à eux ! Il rendit impossible le port de l’étoile jaune au Danemark, en annonçant que si les Juifs devaient la porter, tous les Danois, à commencer par lui, la porteraient également.
Il faut insister, hélas, sur un autre aspect de la responsabilité du « Nord », en l’occurrence de l’Eglise catholique romaine, dans le génocide des Tutsi : la vertu (!) d’obéissance à l’autorité, inculquée aux ouailles par les missionnaires, dans ce Rwanda qui était, jusqu’au génocide de 1994, le pays le plus catholique d’Afrique. Quand le noyau dur de la dictature hutu, l’Akazu, donna l’ordre d’éliminer « l’ennemi intérieur », les Tutsi, y compris les bébés, il se trouva peu de « Justes » qui osèrent braver cet appel au génocide et risquer leur vie pour sauver des Tutsi – sauf dans le quartier musulman de Kigali, la capitale, car un musulman ne tue pas son frère musulman. Obéir est une vertu très prisée dans l’Eglise catholique romaine, dont tout le système est fondé sur la hiérarchie. Les protestants, eux, sont davantage encouragés à penser par eux-mêmes, à « examiner toutes choses et à retenir ce qui est bon », selon l’exhortation de l’apôtre Paul aux Thessaloniciens (Thess. I, 5, 21).
(Relevons l’étrange similitude entre les actes de barbarie des Hutu lors du génocide de 1994 au Rwanda et le sadisme dont, de 1941 à 1945, firent preuve les nationalistes croates et plus particulièrement les «sinistres « Oustachis », reçus en grande pompe et bénis par Pie XII au Vatican en pleines tueries, là aussi sur fond de hantise du communisme : ce sadisme des Oustachis révulsa même des officiers nazis, qui pourtant étaient leurs alliés contre les « Strelitz » de Tito. 7 à 800’000 Serbes furent massacrés dans des conditions horribles, coupables du « crime d’orthodoxie serbe » : leur crime était de ne pas être catholiques romains. Se convertir à la foi romaine pouvait leur sauver la vie, mais il était précisé qu’il ne fallait pas accepter la conversion de Serbes riches –faire main basse sur leurs biens était avantageux. L’Eglise catholique romaine s’enrichit beaucoup grâce à ce génocide – dont le souvenir est resté vivant dans le cœur et la mémoire des Serbes, et Milosevic raviva ce traumatisme en 1991 pour allumer la mèche dans les Balkans. Croatie 1941-1945, Rwanda 1994 : mêmes ordres, même vocabulaire : « Tuez aussi les fœtus ! » Tuer, c’est « travailler ». Même sentiment d’impunité aussi, car presque partout l’Eglise catholique encouragea les tueries. Le génocide accompli, même exfiltration des coupables : « The Rat Channel » pour deux cents Oustachis, via couvents et instituts catholiques.)
« Dans ces pays-là, un génocide c’est pas trop important », déclara François Mitterrand à ses proches, en été 1994, évoquant la tragédie du Rwanda. Moins par stupidité que pour brouiller les cartes, à mon avis, Alain Juppé parlera de « guerre tribale » le 28 avril 1994 devant l’Assemblée nationale, alors qu’il s’agit d’un génocide planifié (quel « négationnisme », mais avec l’Afrique on se permet tout), et Charles Pasqua osera pousser le mépris des Africains jusqu’à dire, le 4 juillet 1994 sur la chaîne de télévision France 2, que « pour eux, ces affrontements tribaux ne revêtent pas le caractère atroce qu’ils ont pour nous ». (Rappelons que Juppé était ministre des Affaires étrangères lors du génocide, et partisan comme Mitterrand d’une opération militaire, dont le Premier ministre Edouard Balladur et le ministre de la Défense François Léotard craignaient qu’elle vire à l’opération coloniale. Quant à Charles Pasqua, « le terrible monsieur Pasqua » comme disait Mitterrand, il disposait des trop fameux « réseaux Pasqua » en Afrique et au Moyen-Orient, et s’il y en a un qui connaît bien les dessous puants de Mme Françafrique, c’est bien lui. Il en sait long aussi sur de gravissimes affaires de mœurs impliquant de très, très hautes personnalités françaises, ce qui lui a durant des années garanti l’impunité.)
« Pas trop important », ce génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda, mais ce qui était important pour la réputation de la France, de son Président et de son Armée, c’était de cacher la vérité. C’est là aussi grâce à Serge Farnel, correspondant en France de l’« Agence Rwandaise d’Information », que nous connaissons depuis le 25 janvier 2008 deux notes émanant de la Défense, restées secrètes jusqu’alors, car la Mission française d’Information Parlementaire pour le Rwanda, chargée d’examiner la politique de la France au Rwanda de 1990 à 1994, n’avait pas cru bon de les rendre publiques. Le premier document fait état du souci de l’armée de ne pas montrer aux médias des soldats français n’intervenant pas pour faire cesser les massacres dont ils sont alors les témoins proches, tandis que le second prouve que l’armée française savait, dès le 8 avril 1994, que lesdits massacres faisaient partie d’un plan génocidaire à l’encontre de l’ethnie tutsi.
Le premier document est la note N° 018/3°RPIMa/EM/CD (« Confidentiel Défense ») que le colonel français Henri Poncet adressa le 27 avril 1994 au chef d’Etat-Major des Armées. Il y fait le compte rendu de l’opération « Amaryllis », dont il assura le commandement au Rwanda du 9 au 14 avril 1994, une opération destinée à évacuer les ressortissants français alors présents à Kigali suite à l’attentat perpétré, trois jours plus tôt, contre le président rwandais Juvénal Habyarimana. Dans cette note, l’officier français fait savoir à l’Amiral Lanxade que « les médias ont été présents dès le deuxième jour de l’opération ». Il ajoute que « le COMOPS [Communication opérationnelle, ndlr] a facilité leur travail en leur faisant deux points de presse quotidiens et en les aidant dans leurs déplacements. ». L’auteur de la note précise, par ailleurs, le « souci permanent de ne pas leur montrer [aux médias, ndlr] des soldats français limitant l’accès aux centres de regroupement aux seuls étrangers sur le territoire du Rwanda », tout en précisant qu’il s’agit là des provisions consignées dans la Directive n°008/DEF/EMA du 10 avril. La note du Colonel Poncet mentionne expressément l’autre « souci permanent de ne pas leur montrer [aux médias, ndlr] des soldats français n’intervenant pas pour faire cesser des massacres dont ils étaient les témoins proches » : aveu de non-assistance à personnes en danger !
Le deuxième document est le compte rendu rédigé, le 19 avril 1994, conjointement par le Colonel Cussac et le Lieutenant-Colonel Maurin, relatif à l’« action des AMT [Assistants militaires techniques, ndlr] » lors de l’opération Amaryllis. Il révèle que l’armée française savait, au moins dès le 8 avril 1994, que les massacres de Kigali ciblaient l’ethnie tutsi. La nuit du 7 au 8 avril y est évoquée en ces termes : « Nuit très agitée, ponctuée de nombreux tirs au niveau du CND [Conseil National pour le développement (parlement rwandais), ndlr] mais aussi dans toute la ville (exécutions des tutsi [sic] et des personnalités de l’opposition). » En toute logique, Serge Farnel en conclut que l’armée française connaissait, au moins depuis le 8 avril 1994, le caractère génocidaire des massacres qui se déroulaient à Kigali. Dès lors, la reconnaissance par le Colonel Poncet d'un souci permanent de ne pas montrer au médias des soldats français n'intervenant pas pour faire cesser des massacres dont ils étaient les témoins proches, et dont ils savaient, comme l’indiquent par ailleurs formellement les officiers Cussac et Maurin, qu’il s’agissait là de la mise en oeuvre de l’extermination d’une ethnie, « pourrait bien constituer, devant une Justice nationale ou internationale, une nouvelle preuve constitutive d’une complicité de l’armée française dans le génocide des Tutsi du Rwanda », ajoute Serge Farnel.
Pour en savoir plus : News Agency/Agence Rwandaise d'Information, www.rnanews.com.
Dès la colonisation, les Blancs – autorité de tutelle et missionnaires catholiques aux intérêts convergents, sur fond de hantise du péril rouge communiste – opposèrent les Tutsi aux Hutu afin de mieux régner en divisant. Avant leur arrivée, le Rwanda comptait des « clans », dans chacun desquels Hutu, Tutsi et Twa vivaient en harmonie relative, et si des rivalités ou conflits survenaient, c’était plutôt entre clans qu’entre ethnies. N’en déplaise aux Blancs, dans le Rwanda nouveau on n'est plus ni hutu, ni tutsi, ni twa, mais rwandais ! Et, frustration cruelle pour nombre de missionnaires catholiques, le pays a cessé d’être ce qu’il fut durant des dizaines d’années : un paradis pour ceux des Pères blancs qui étaient pédophiles – sur terre africaine, ils l’étaient plus librement que dans les pays du Nord. (Veut-on que je donne les témoignages enregistrés ?) Même après le génocide, certains ecclésiastiques catholiques s’imaginent encore qu’en Afrique ils peuvent tout se permettre. Tel cet évêque belge interrogé par la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF), voici quelques années, à propos d’un prêtre pédophile : on lui demande s’il a pris des mesures pour éviter toute récidive, et sereinement il répond : « Nous l’avons envoyé au Rwanda. »
Précision utile : le clivage ethnique voulu par les Blancs n’a jamais eu de sens du point de vue biologique, puisque dans ce qui fut le Ruanda-Urundi – deux entités souvent en conflit entre elles, toutes ethnies confondues –, on est « hutu » si l’on est de père hutu, « tutsi » si l’on est de père tutsi : raison pour laquelle des fœtus « tutsi » furent arrachés du ventre de leur mère hutu, éventrée pour avoir porté un « ennemi » en l’occurrence doublement « intérieur ». (Ici encore s’impose, hélas, le rapprochement avec le génocide perpétré par les nationalistes croates, si fervents catholiques : le chef des Oustachis, Ante Pavelic, peu après avoir été reçu en audience privée par Pie XII, déclarait devant ses troupes : « N’est pas un bon Oustachi celui qui ne peut arracher au couteau un enfant des entrailles de sa mère ! »)
Voir ici même POUR COMPRENDRE LA TRAGÉDIE DU RWANDA.
LES ZOOS HUMAINS : des exhibitions racistes qui fascinaient les Européens :
Au cours des années 1870, « l’idée de promouvoir un spectacle zoologique mettant en scène des populations exotiques apparaît en parallèle dans plusieurs pays européens », écrivent Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire dans « Le Monde diplomatique » d'août 2000. Ces zoos humains, expositions ethnologiques ou « villages nègres », où des individus « exotiques » mêlés à des bêtes sauvages étaient montrés en spectacle, derrière des grilles ou des enclos, à un public avide de distraction, « constituent la preuve la plus évidente du décalage existant entre discours et pratique au temps de l’édification des empires coloniaux », accusent-ils.
« Cannibales australiens mâles et femelles. La seule et unique colonie de cette race sauvage, étrange, défigurée et la plus brutale jamais attirée de l’intérieur des contrées sauvages. Le plus bas ordre de l’humanité », lit-on sur une affiche du Musée historique de Francfort (« Plakate, 1880-1914 »). Dès 1874, en Allemagne, Karl Hagenbeck, revendeur d’animaux sauvages et futur promoteur des principaux zoos européens, exhibe des Samoa et des Lapons comme populations « purement naturelles » à des visiteurs avides de « sensations ». Le succès de ces premières exhibitions est tel que dès 1876, il envoie un de ses collaborateurs au Soudan égyptien, avec pour mission de ramener des animaux... et des Nubiens, pour renouveler l’« attraction ». Succès immédiat dans toute l’Europe : ils furent présentés à Paris, Londres, Berlin...
A Paris, le directeur du Jardin d’Acclimatation, Geoffroy de Saint-Hilaire, organise en 1877 deux « spectacles ethnologiques », en présentant des Nubiens et des Esquimaux. Succès foudroyant. Les Parisiens accourent pour découvrir ce que la grande presse qualifie alors de « bande d’animaux exotiques, accompagnés par des individus non moins singuliers ». Entre 1877 et 1912, une trentaine d’« exhibitions ethnologiques » de ce type seront ainsi produites au Jardin d’Acclimatation, à Paris, avec un constant succès. De tels « spectacles » vont rapidement être présentés en d'autres lieux, et volontiers adaptés à des fins politiques : Expositions universelles parisiennes de 1878, de 1889 (avec la tour Eiffel, mais aussi, une des attractions majeures, un « village nègre » et 400 figurants « indigènes ») et celle de 1900 (avec son célèbre Diorama « vivant » sur Madagascar). Ou, plus tard, les Expositions coloniales : à Marseille en 1906 et 1922, à Paris en 1907 et 1931. Des établissements se spécialisent dans le « ludique » (représentations programmées au Champ-de-Mars, aux Folies-Bergère ou à Magic City) ou dans la reconstitution coloniale (ainsi, au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, la reconstitution de la défaite des Dahoméens de Behanzin devant l’armée française). Foires et expositions régionales deviennent très vite les lieux de promotion par excellence de ces exhibitions, pour répondre à une demande plus « commerciale » et à l’appel de la province. Des « troupes » itinérantes passent d’une exposition à une foire régionale. Les « villages noirs » (ou « villages sénégalais ») font fureur, comme lors de l’exposition de Lyon en 1894: « Pas une ville, pas une exposition et pas un Français qui ne découvrent, à l’occasion d’un après-midi ensoleillé, une reconstitution ‘à l’identique' de ces contrées sauvages, peuplées d’hommes et d’animaux exotiques, entre un concours agricole, la messe dominicale et la promenade sur le lac », commentent Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire.
HIÉRARCHIE DES RACES : « C’est alors par millions que les Français, de 1877 au début des années 30, vont à la rencontre de l’Autre. Un 'autre' mis en scène et en cage. Qu’il soit peuple 'étrange' venu de tous les coins du monde ou indigène de l’Empire, il constitue, pour la grande majorité des métropolitains, le premier contact avec l’altérité. L’impact social de ces spectacles dans la construction de l’image de l’Autre est immense. D’autant qu’ils se combinent alors avec une propagande coloniale omniprésente (par l’image et par le texte) qui imprègne profondément l’imaginaire des Français. Pourtant, ces zoos humains demeurent absents de la mémoire collective », observent-ils. L’apparition, puis l’essor et l’engouement pour les zoos humains résultent, analysent-ils, de l’articulation de trois phénomènes concomitants: la construction d’un imaginaire social sur l’autre (colonisé ou non), la théorisation scientifique de la « hiérarchie des races » dans le sillage des avancées de l’anthropologie physique, et l’édification d’un empire colonial alors en pleine construction.
La colonisation impose en effet « la nécessité de dominer l’autre, de le domestiquer et donc de le représenter ». Aux images ambivalentes du « sauvage », marquées par une altérité négative mais aussi par les réminiscences du mythe du « bon sauvage » rousseauiste, se substitue une vision nettement stigmatisante des populations « exotiques » : la « mécanique coloniale d’infériorisation de l’indigène par l’image » se met alors en marche. Dans cette conquête des imaginaires européens, « les zoos humains constituent sans aucun doute le rouage le plus vicié de la construction des préjugés sur les populations colonisées » : « La preuve est là, sous nos yeux : ils sont des sauvages, vivent comme des sauvages et pensent comme des sauvages. Ironie de l’histoire, ces troupes d’indigènes qui traversaient l’Europe (et même l’Atlantique) restaient bien souvent dix ou quinze ans hors de leurs pays d’origine et acceptaient cette mise en scène... contre rémunération. Tel est l’envers du décor de la sauvagerie mise au zoo, pour les organisateurs de ces exhibitions : le sauvage, au tournant du siècle, demande un salaire! » (Mais les groupes « importés » n’avaient pas un statut exclusif et unique : ainsi, les Fuégiens, habitants de la Terre de Feu, à l’extrême sud du continent sud-américain, semblent avoir été « transportés » comme des spécimens zoologiques proprement dits, alors que les gauchos, sorte d’artistes sous contrat, « avaient pleinement conscience de la mascarade qu’ils mettaient en scène pour les visiteurs ». Quand les Cosaques seront invités au Jardin d’Acclimatation, l’ambassade de Russie insistera pour qu’ils ne soient pas confondus avec les « nègres » venus d’Afrique. Et lorsque Buffalo Bill arrive avec sa « troupe », c'est grâce à la présence d‘« Indiens » dans son spectacle qu'il trouve sans conteste sa place au Jardin. En revanche, quand des « Lilliputiens », c'est-à-dire des nains, sont présentés au public, « ils entrent sans aucun problème dans la même terminologie de la différence, de la monstruosité et de la bestialité que les populations exotiques »...)
RACISME POPULAIRE ET CONQUÊTE COLONIALE : En parallèle, « un racisme populaire se déploie dans la grande presse et dans l’opinion publique, comme toile de fond de la conquête coloniale ». Tous les grands médias, des journaux illustrés les plus populaires (« Le Petit Parisien », « Le Petit Journal »...) aux publications à caractère « scientifique » (« La Nature » ou « La Science amusante »), en passant par les revues de voyages et d’exploration (« Le Tour du monde », « Journal des voyages ») présentent les populations exotiques comme des vestiges des premiers états de l’humanité – tout particulièrement celles qui ont été soumises à la conquête coloniale. « Le vocabulaire de stigmatisation de la sauvagerie (bestialité, goût du sang, fétichisme obscurantiste, bêtise atavique) est renforcé par une production iconographique d’une violence inouïe, accréditant l’idée d’une sous-humanité stagnante, humanité des confins coloniaux, à la frontière de l’humanité et de l’animalité » (cf. Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Laurent Gervereau, « Images et colonies », Achac-BDIC, Paris, 1993).
« RACES SUPÉRIEURES », « RACES INFÉRIEURES » : A travers les zoos humains et l'idéologie sous-jacente de leurs spectacles, « on assiste à la mise en scène de la construction d’une classification en 'races' humaines et de l’élaboration d’une échelle unilinéaire permettant de les hiérarchiser du haut en bas de l’échelle évolutionniste ». Dans son « Essai sur l’inégalité des races humaines » (1853-1855), le comte Joseph Arthur de Gobineau avait établi l’inégalité originelle des races en créant une typologie sur des critères de hiérarchisation largement subjectifs: « beauté des formes, force physique et intelligence », consacrant ainsi les notions de « races supérieures » et « races inférieures ». Comme beaucoup d’autres, il postule alors la supériorité originelle de la « race blanche », qui possède, selon lui, le monopole de ces trois données et sert alors de norme lui permettant de classer le Noir dans une infériorité irrémédiable au plus bas de l’échelle de l’humanité et les autres « races » comme intermédiaires.
LA « RACE » BLANCHE « NATURELLEMENT SUPÉRIEURE » : « Simultanément, l’infériorisation des 'exotiques' est confortée par la triple articulation du positivisme, de l’évolutionnisme et du racisme. Les membres de la Société d’anthropologie – créée en 1859, à la même date que le Jardin d’Acclimatation de Paris – se sont rendus plusieurs fois à ces exhibitions grand public pour effectuer leurs recherches orientées vers l’anthropologie physique. Cette science obsédée par les différences entre les peuples et l’établissement de hiérarchies donnait à la notion de 'race' un caractère prédominant dans les schémas d’explication de la diversité humaine. » La distinction entre « races primitives »et « races civilisées » semble confirmée par ce fabuleux réservoir de spécimens qu’offrent les zoos humains. Anthropologie physique et anthropométrie naissante (avec ses « caractères somatiques » des groupes raciaux), craniométrie et phrénologie s’en donnent à cœur joie. Les civilisations non européennes sont considérées comme attardées, mais civilisables, donc colonisables. Les intérêts de ces « scientifiques » convergent avec ceux du lobby colonial et ceux des organisateurs de spectacles.
Entre 1890 et la Première Guerre mondiale s’impose une image particulièrement sanguinaire du sauvage. Faisant fi de la vérité ethnologique, ces « spectacles » développent et légitiment les pires stéréotypes racistes, en pleine conquête coloniale. Entre « eux » et « nous », une barrière infranchissable ! Des Touareg sont exhibés à Paris durant les mois suivant la conquête française de Tombouctou en 1894, des Malgaches une année après l’occupation de Madagascar, les célèbres amazones du royaume d’Abomey après la défaite de Behanzin devant l’armée française au Dahomey. Ultranationaliste depuis sa défaite de 1870-71 face à l’Allemagne, la Franc, amputée de l’Alsace et de la Lorraine, se voit glorifiée, les « indigènes » dégradés, humiliés, animalisés : on les présente déchaînés, cruels, aveuglés de fétichisme, assoiffés de sang. La caricature uniformise l’ensemble des « races » présentées. Ces « sauvages » sont attractifs, mais font peur. La mise en scène les contraint à se conduire comme absolument différents et, sous peine d’amende retenue sur leur maigre solde, ils sont confinés dans une partie de l’espace de l’exposition : la « sauvagerie » et la « civilisation », la « nature » et la « culture » sont séparées par une frontière infranchissable. Lamentables sont leurs conditions sanitaires et de parcage, mais les « civilisés » ne s’en émeuvent guère. Comme à des bêtes, on jette nourriture ou babioles aux groupes exposés, on commente les physionomies en les comparant aux primates… Cette « racialisation » des esprits ne pouvait que favoriser l’expansionnisme colonial et semblait justifier l’inégalité juridique, politique et économique entre Européens et « indigènes », ces « sauvages ».
Si les zoos humains ne nous révèlent rien sur les « populations exotiques », ils en disent long sur les mentalités, de la fin du dix-neuvième siècle jusqu’aux années 30. Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire posent cette question pertinente : « Ces mascarades furieuses ne sont-elles pas finalement l’image renversée de la férocité – bien réelle celle-là – de la conquête coloniale elle-même ? N’y a-t-il pas la volonté – délibérée ou inconsciente –- de légitimer la brutalité des conquérants en animalisant les conquis ? Dans cette animalisation, la transgression des valeurs et des normes de ce qui constitue, pour l’Europe, la civilisation est un élément moteur. »
« UNE AMBIVALENCE FASCINÉE » : Ils font observer combien la polygamie des « indigènes » a été mise en évidence, alors qu’elle touche l’un des fondements socio-religieux de la famille chrétienne : les zoos humains accueillent des familles entières, avec les différentes épouses du chef de famille, et les badauds viennent contempler « au mieux une incompréhensible bizarrerie, au pis la manifestation d’une lubricité animale », avec, dans le regard, « une interrogation en suspens, le désir inassouvi d’un fantasme qui, en Occident même, est le revers de l’interdit ». Pour les « Noirs », le mythe d’une sexualité bestiale, plurielle, prend corps : grande vitalité, organes génitaux surdéveloppés chez l’homme et chez la femme. Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire dénoncent chez les spectateurs une « ambivalence fascinée pour des êtres à la frontière de l’animalité et de l’humanité » et ajoutent que cette vitalité sexuelle renvoie elle-même à une vitalité corporelle d’ensemble (p. ex. gravures des grands journaux illustrés de l’époque évoquant le combat vigoureux de « tribus » presque nues face aux troupes coloniale), d’où une fascination pour le corps du « sauvage ». qui est le produit de l’inquiétude, vive à la fin du dix-neuvième siècle, de la « dégénérescence biologique » de l’Occident. Nietzsche n’évoquait-il pas « la grande santé africaine » ? Alors qu’à l’époque on ignore à peu près tout de l’anthropophagie, « pratique sociale fortement ritualisée et de toute manière extrêmement limitée en Afrique subsaharienne », les images de « sauvages anthropophages » envahissent les médias et sont « l’un des arguments les plus vendeurs des zoos humains » jusqu’à l’Exposition coloniale internationale de 1931. Le cannibalisme rompt en effet un tabou majeur : le rapprochement avec le monde animal s’impose. Les mises en scène très évocatrices à ce sujet dans les exhibitions ou dans le cadre de salles de spectacles révèlent la puissance du thème.
De l’Exposition universelle de 1889 à la fin de l’entre-deux-guerres, les expositions vont se multiplier, et tout particulièrement les expositions coloniales. Presque toujours, remplaçant les « zoos humains », un « village nègre », « indochinois », « arabe » ou « kana » est proposé à la curiosité des visiteurs. Après la Deuxième Guerre mondiale, où l’Afrique noire a fourni beaucoup de chair à canon, ces villages « nègres » seront appelés « noirs » ou « sénégalais ». En province, mais aussi dans toute l’Europe ou aux Etats-Unis, les curieux affluent. Les mises en scène deviennent « ethnographiques », et les « villages » ressemblent à des décors hollywoodiens de l’époque. On fantasme sur l’« Afrique mystérieuse », tout en admirant productions locales et « artisanat ». Peu à peu sont reconnues des formes particulières d’organisation sociale, mais on ne les présente pas moins comme les traces d’un passé que la colonisation a pour devoir d’abolir. Les limites territoriales de l’Empire étant désormais tracées, la « mission civilisatrice » succède à la conquête. Les expositions coloniales glorifient cette noble mission. Le « sauvage » (re)devient doux, coopératif. Il reste un inférieur, certes, mais il est « docilisé », domestiqué, on lui reconnaît des potentialités d’évolution. « Cette nouvelle perception de l’autre-indigène trouvera sa plus grande intensité lors de l’Exposition coloniale internationale de Vincennes en 1931, qui, étendue sur des centaines d’hectares, est la mutation la plus aboutie du zoo humain sous couvert de mission civilisatrice, de bonne conscience coloniale et d’apostolat républicain », concluent Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire dans leur passionnant article du « Monde diplomatique » d’août 2000.
Au seizième siècle déjà, MONTAIGNE, qui abhorrait l’impérialisme colonial, les conversions forcées et le racisme, disait à propos des « cannibales » que « chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage » et que « nous les surpassons en toutes sortes de barbarie » (« Essais », I, 3).
LES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ DU ROI LÉOPOLD II AU CONGO :
A voir, à revoir et à faire voir, notamment par les lycéens et les étudiants :
« LE ROI BLANC, LE CAOUTCHOUC ROUGE, LA MORT NOIRE » (« white King, Red Rubber, Black Death »), documentaire de Peter Bate (Belgique, 2004, diffusé notamment par ARTE).
Léopold II est honoré comme un grand roi dans les manuels scolaires belges depuis une centaine d'années, alors qu’il est responsable de la mort de dix millions d'Africains au Congo. C'est ce que ce documentaire controversé avance. En 1885, les grandes puissances occidentales ont accordé au roi Léopold II un type de souveraineté philanthropique sur ce pays africain inexploré. Le roi a nommé un explorateur pour superviser le « défrichage » du pays, qui a souffert de l'exploitation démesurée de ses ressources naturelles pour répondre aux besoins industriels pressants en caoutchouc naturel. Ce film déterre l'histoire cachée et les pages les plus sombres du chapitre humain et économique et dépeint Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha comme l'égal de Hitler quant à la cruauté et à la culpabilité. Lorsque la diffusion du film a été annoncée, la maison royale de Belgique s'est mise à fulminer.
Pendant une vingtaine d'années, agents territoriaux, force publique et milices armées des sociétés privées allaient, au Congo de Léopold II, répandre la terreur dans les régions de l'Équateur, de l'Aruwimi, du Lomami, du Mai-Ndombe, de l'Itimbiri, de l'Uele, du Kasaï et de la Mongala. Esclavagisme, déportations, guerres, massacres, pillages, captures, emprisonnements et tortures étaient les moyens et les méthodes utilisés pour forcer la population à récolter le caoutchouc et à le livrer aux autorités coloniales. Selon certaines sources, des millions de Congolais allaient mourir à cause du régime mis en place par le roi Léopold II. Ce régime de terreur ne sera quasiment jamais dénoncé par les missionnaires catholiques qui participaient à la prétendue mission civilisatrice du roi.
« Pour faire du caoutchouc, il faudra couper des mains, des nez et des oreilles. » Charles Lemaire, explorateur et colon, cité par Daniel Vangroenweghe dans son livre « Du sang sur les lianes. Léopold II et son Congo », Edit. Aden, Bruxelles, 1986.
« Si un village refusait de se soumettre à ce régime, des troupes de l'Etat ou d'une compagnie ou leurs alliés abattaient parfois toute la population en vue, de manière à bien faire parvenir le message aux villages voisins. Mais en de telles occasions, certains officiers européens se montraient méfiants. Pour chaque cartouche fournie à leurs soldats, ils exigeaient la preuve que la balle avait été utilisée pour tuer quelqu'un, et non 'gâchée' ». Adam Hochschild, « Les fantômes du roi Léopold II. Un holocauste oublié », Belfond, 1998 puis 2007 (édition originale aux Etats-Unis en 1998 : « King Leopold’s Ghost »).
« Chaque fois que le caporal s'en va chercher du caoutchouc, on lui donne des cartouches. Il doit rendre toutes celles non employées ; et pour chacune des cartouches brûlées il doit rapporter une main droite ! Pour prouver jusqu'où cela pouvait aller, (Roi) me dit qu'en six mois de temps ils avaient eux, l'Etat, sur la rivière Momboyo, tiré 6’000 cartouches, ce qui voulait dire que 6’000 personnes avaient été tuées ou mutilées. Cela veut dire plus de 6’000, car on m'a dit à diverses reprises que les soldats tuaient fréquemment des enfants à coups de crosse. » Nombre de villages furent détruits. Traumatisés, affamés, les Congolais se réfugiaient dans la forêt vierge, où les guettaient des maladies infectieuses et parasitaires. Un missionnaire catholique qui travailla de longues années dans le district du lac Maï Ndombé, importante région productrice de caoutchouc, remarqua à son arrivée, en 1910, l'absence quasi totale d'enfants de 7 à 14 ans : cela correspondait à la période 1896-1903, pendant laquelle la campagne du caoutchouc battait son plein dans le district. A la même époque, dans une région proche, Roger Casement, qui effectuait un voyage d'information, estimait que la population avait diminué de 60%. (Source : David Lagergren, « Mission and State in the Congo. A Study of the Relations between Protestant Missions and the Congo Independent State Authorities with Special Reference to the Equator District 1885-1903 », Lund (Sweden), Gleerup, 1070.)
En 1896, la « Kölnische Zeitung » fit paraître, en se référant à un Belge « jouissant d'une haute estime », un communiqué selon lequel 1308 mains coupées avaient été remises au tristement célèbre commissaire de district Léon Fiévez en l'espace d'une seule journée. Le journal allemand publia cette nouvelle à deux reprises sans que l'Etat du Congo réagisse ou publie un démenti, nous apprend Jules Marchal dans son livre « E.D. Morel contre Léopold II, L'Histoire du Congo, 1900-1910» (L’Harmattan, 1996).
Mû par sa conscience, un écrivain et journaliste britannique d’origine française, Edmund Dene Morel (1873-1924), se dressa contre le roi criminel. Il avait été alerté non par des missionnaires catholiques, mais par des missionnaires protestants (Sjöblom, suédois, Morrisson et Sheppard, américains, et Guinness, britannique), ainsi que par Henry R. Fox Bourne et Charles Dilke, de l’Aborigenes Protection Society. Morel dénonça les crimes perpétrés dans cet « Etat indépendant du Congo » qui n’était qu’une vaste entreprise privée réduisant en esclavage la population congolaise à des fins économiques. Soutenu par d’éminents écrivains comme Sir Conan Doyle ou Mark Twain, il créa un mouvement qui mobilisa l’Angleterre, toutes tendances politiques ou religieuses confondues, à l’exception des catholiques.
« La colonisation du Congo fut le plus grand crime contre l’humanité jamais commis dans l’histoire de l’humanité. » Sir Arthur Conan Doyle, « Letters to the press », 1909.
« La colonisation du Congo fut la plus infâme ruée sur un butin ayant jamais défiguré l’histoire de la conscience humaine. » Joseph Conrad, « Heart of Darkness, 1899 en feuilleton, 1902 en volume.
Dix millions de morts ? Encore pire que la Shoah, mais au fin fond de l’Afrique…
« En 1919, une commission officielle du gouvernement belge estima que, depuis l'époque où Stanley avait commencé à établir les fondations de l'Etat de Léopold, la population du territoire avait été réduite de moitié. Le commandant Charles Liebriechts, qui exerça de hautes fonctions au sein de l'administration de l'Etat Congo pendant la majeure de l'existence de ce dernier, parvint à la même conclusion en 1920. De nos jours le jugement qui fait le plus autorité est celui de Jan Vansina, professeur émérite d'histoire et d'anthropologie à l'université du Wisconsin, et sans doute le plus grand ethnographe actuel spécialisé dans les peuples du Bassin du Congo. Il fonde ses calculs sur d'innombrables sources locales de régions différentes : prêtres remarquant que le nombre de leurs ouailles étaient en nette diminution, traditions orales, généalogies, et bien d'autres. Son estimation est la même : entre 1880 et 1920, la population du Congo a diminué de moitié. La moitié de quoi ? Les premières tentatives de recensement territorial ne furent effectuées que dans les années 1920, le décompte effectué donna comme résultat dix millions de personnes. Villages incendiés, otages affamés, réfugiés terrifiés mourant dans les marécages, ordre d'extermination. » Extrait du livre d’Adam Hochschild, « Les fantômes du roi Léopold II. Un holocauste oublié », Paris, Belfond, 1998.
Adam Hochschild relie les causes de mortalité à des causes directes : meurtres de masse, assassinats, mais aussi à des causes indirectes liées au régime de terreur exercé par les vassaux de Léopold : famines, maladies, chute du taux de natalité : « Presque toujours les maladies tuent davantage, et plus vite, lorsqu'elles s'attaquent à des populations sous-alimentées et traumatisées : les nazis et les soviétiques n'avaient pas besoin de gaz toxiques ou de pelotons d'exécution pour achever nombre de ceux qui sont morts dans leurs camps. »
Dans un documentaire de la BBC réalisé par Mark Dummet, le professeur congolais Elikia Mbokolo reprend le même chiffre et fait état de dix millions de Congolais qui auraient disparu des statistiques. Lié à une interprétation des chiffres démographique, ce chiffre reste controversé. Néanmoins il montre l'ampleur et l'ignominie du régime mis en place par Léopold II.
Adam Hochschild se base sur une estimation (moins précise qu’un recensement) de l'administration belge en 1924 : 10 millions d’indigènes. Mais en 1948, l'administration coloniale belge déclara n’avoir aucune idée de la population du Congo. Les témoignages de colons ou de missionnaires présents dans certains villages du Congo inclinent des historiens à lancer des chiffres qui varient fortement : 3 millions selon le rapport du diplomate britannique Roger Casement en 1904, au moins 5 millions selon Forbath, 10 millions selon Adam Hochschild, 13 millions selon l’historien congolais Isidore Ndawel È Nziem dans son « Histoire du Zaïre », perte de population de 8 à 30 millions selon l’Encyclopædia Britannica. L'historien et anthropologue Jan Vansina, auteur de beaucoup des livres savants sur le sujet des peuples de Congo, estime que la perte de population entre 1880 et 1920 était 50%. Ces chiffres sont tous effrayants, et, comme pour la Shoah, plus on se sent proche des victimes, moins on a tendance à les minimiser.
PATRICE LUMUMBA ÉVOQUE LE MARTYRE DES CONGOLAIS :
« Congolais et Congolaises, combattants de l'indépendance aujourd'hui victorieux, je vous salue au nom du gouvernement congolais. (…) A vous tous, mes amis qui avez lutté sans relâche à nos côtés…Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou de nous loger décemment, ni d'élever nos enfants comme des êtres chers. Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres... Nous avons connu nos terres spoliées au nom de textes prétendument légaux, qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort, nous avons connu que la loi n'était jamais la même, selon qu'il s'agissait d'un blanc ou d'un noir... Qui oubliera, enfin, les fusillades où périrent tant de nos frères, ou les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient pas se soumettre à un régime d'injustice, d'oppression et d'exploitation ? » (Extrait de son Discours de l’Indépendance du 30 juin 1960.)
DES MISSIONNAIRES AU SERVICE DU ROI DES BELGES :
Le discours cynique qu’aurait prononcé en 1883 Léopold I, « roi de Belgique » (on dit : « roi des Belges »), devant les missionnaires se rendant en Afrique, est un faux, mais les premières phrases de ce texte ironique résument assez bien l’esprit de l’époque : « Révérends Pères et chers compatriotes,
la tâche qui vous est confiée à remplir est très délicate et demande beaucoup de tact. Prêtres, vous allez certes pour évangélisation, mais cette évangélisation doit s'inspirer avant tout des intérêts de la Belgique et de l'Europe. » Le reste du document montre que certains Africains n’étaient pas dupes des beaux principes que leur enseignaient ces missionnaires catholiques : main dans la main avec l’administration coloniale et interprétant l’Evangile d’une manière qui servait les intérêts de Léopold II, propriétaire du Congo, l’Eglise romaine prônait la soumission, l’obéissance, l’indifférence aux biens matériels, voire l’amour de la pauvreté, s’appliquait à faire en sorte que les jeunes, en particulier, soient dociles et sans esprit critique : elle rendait ainsi plus aisée l’exploitation des richesses du sol et du sous-sol et la récolte du caoutchouc. Quant à l’incitation à instituer un système de confession qui fera des missionnaires « de bons détectives », on voit mal comment Léopold II aurait osé pousser le cynisme jusqu’à prononcer une telle phrase, mais aussi bien dans le contexte de la guerre civile en Espagne (1936-1939) que dans le contexte du Rwanda, les témoignages abondent qui montrent que la confession auriculaire pratiquée par l’Eglise romaine a souvent servi des buts politiques et s’est mise au service d’un camp contre l’autre, sur fond de hantise du communisme en particulier : des enfant, des adolescents ont été poussés par des prêtres à dénoncer leurs parents, des femmes à dénoncer leur mari…
L'ASSASSINAT DE LUMUMBA (1925-1961), héros de l'indépendance du Congo : un crime postcolonial visant à maintenir l'Afrique sous la dépendance de l'Occident
Voici sa dernière lettre, lucide, à sa femme Pauline, peu avant qu'il soit assassiné :
« Je t’écris ces mots sans savoir s’ils te parviendront, quand ils te parviendront et si je serai en vie lorsque tu les liras. Tout au long de ma lutte pour l’indépendance de mon pays, je n’ai jamais douté un seul instant du triomphe final de la cause sacrée à laquelle mes compagnons et moi avons consacré toute notre vie. Mais ce que nous voulions pour notre pays, son droit à une vie honorable, à une dignité sans tache, à une indépendance sans restrictions, le colonialisme belge et ses alliés occidentaux – qui ont trouvé des soutiens directs et indirects, délibérés et non délibérés, parmi certains hauts fonctionnaires des Nations unies, cet organisme en qui nous avons placé toute notre confiance lorsque nous avons fait appel à son assistance – ne l’ont jamais voulu. Ils ont corrompu certains de nos compatriotes, ils ont contribué à déformer la vérité et à souiller notre indépendance. Que pourrais-je dire d’autre? »
CRIMES COLONIAUX ET POSTCOLONIAUX AU MAGHREB :
Sous la Troisième République :
Député sous la Troisième République, P. Vigné d’Octon fut chargé en 1907, 1908 et 1909 de missions d’études dans les possessions françaises d’Afrique du Nor. Il dénonça les crimes d’une Troisième République « plus cruelle à l’égard de ses prétendus protégés que les seigneurs du moyen âge envers leurs serfs », les misérables huttes « officiellement dévastées » et les viols de fillettes ou de vieilles femmes. « Honte et malédiction à la république de bourgeois et de repus au nom de laquelle on razzie, on pille, on viole, on assassine de malheureux loqueteux ! (…) Après lui avoir volé ses terres les plus fertiles, les requins français prélèvent sur les mauvaises terres de l’indigène des dîmes cent fois plus scandaleuses que les dîmes féodales. (…) Les détrousseurs de grands chemins sont d’honnêtes gens comparés aux fonctionnaires indigènes et français de nos colonies nord-africaines. (…) Sans jugement d’aucune sorte, sur un ordre dicté par le bon plaisir d’un fonctionnaire, des centaines de pauvres diables sont jetés dans d’ignobles prisons où ils crèvent comme des mouches. (…) Comme au temps de la féodalité, les femmes et les filles des indigènes sont soumises au droit de cuissage. (…) En temps de famine, les fonctionnaires tunisiens et ceux de la République française prélèvent une dîme criminelle sur la charité publique et le pain des affamés. (…) Vivre sur l’indigène. Non seulement ne pas dépenser un sou de leurs appointements, mais les doubler et les tripler souvent, tel est l’idéal des contrôleurs civils et des commandants militaires de Tunisie. (…) Il n’y a pas au monde de peuple vaincu, exception faite de la plèbe arabe d’Algérie, qui soit l’objet de plus de sévices et de mauvais traitements que le prolétaire tunisien de la part de son vainqueur. (…) On m’avait bien prévenu que je trouverais là, réunies sur ces chantiers [de la Compagnie phosphatière de Gafsa, à l’extrême sud de la Tunisie], toutes les souffrances, toutes les angoisses et toutes les détresses qui peuvent torturer la chair à travail. On m’avait bien dit que nulle part le patronat n’avait poussé plus loin la férocité de son égoïsme contre un prolétariat que sa race, l’éloignement et l’absence de toute opinion publique et de tous témoins, lui livraient pieds et poings liés. (…) L’escroquerie ‘au salaire’ par les amendes, les retenues et le vol, tel est le système d’administration appliqué dans leurs chantiers par les maîtres archimillionnaires de la Compagnie de Gafsa. »
Mais s’il dénonce les crimes de la métropole, Vigné d’Octon crie aussi sa déception devant «la banqueroute du mouvement « Jeune-Tunisien » : « Vous prétendiez – et nous éprouvions à vous croire une joie profonde – que vous étiez une phalange de cœurs généreux, d’âmes fortes, et qu’après avoir émancipé votre esprit par la science, vous alliez travailler, avec ardeur, à l’émancipation de votre race vaincue par la nôtre. (…) Lentement, le vibrion électoral, le microbe de la ‘écorite’ s’emparaient de vos cervelles. Votre idéal, si fier, se rapetissait jusqu’au ‘rond de cuir’, et vous ne rêviez plus qu’à conquérir les diplômes nécessaires pour asseoir dessus vos derrières de fils de famille. (…) Vous vous livrez, comme les ‘jeunes Français’ de Pontoise ou de Troufignard-les-Flageolets, à la culture intensive des rubans et à l’âpre recherche des faveurs administratives, tandis que, d’un bout à l’autre du ‘bled’, des millions de Bédouins, écrasés d’impôts, spoliés par leur vainqueur, chassés, refoulés par lui jusqu’aux confins de la ‘hamada’, inhospitalière et brûlante, continuent, farouches et résignés, à clamer dans le désert leur insondable détresse. (…) Vous déambulez, le ventre plein, sur les trottoirs de la ville franque, et vous fermez l’oreille à ces voix lointaines de vos frères. (…) Sachez-le, Jeunes-Tunisiens, (…) sachez qu’en certains cas, la révolte est le plus saint et l’unique devoir des âmes nobles. Hélas ! combien cette superbe attitude est aux antipodes de la vôtre. »
La voix de ce grand défenseur des droits humains, précurseur des « tiers-mondistes » et des « altermondialistes », est tombée dans l’oubli, mais les bonnes bibliothèques universitaires possèdent sa trilogie « Les crimes coloniaux de la Troisième République », dont le premier tome, « La sueur du burnous », paru en 1911 aux Editions de la Guerre sociale, à Paris, s’ouvre sur cette vision d’avenir :
« J’ai fait ce rêve : Il y avait enfin sur la Terre une Justice pour les races soumises et les peuples vaincus. Fatigués d’être spoliés, pillés, refoulés, massacrés, les Arabes et les Berbères chassaient leurs dominateurs du Nord de l’Afrique, les Noirs faisaient de même pour le reste de ce continent, et les Jaunes pour le sol asiatique. Ayant ainsi reconquis par la violence et par la force les droits imprescriptibles et sacrés qui, par la force et la violence, lui furent ravis, chacune de ces familles humaines poursuivait la route de sa destinée un instant interrompue. Et oubliant que j’étais français – ce qui n’est rien – pour ne me souvenir que d’une chose : que j’étais homme – ce qui est tout – je sentais dans la profondeur de mon être une indicible jubilation. »
Sous la Cinquième République,
essais nucléaires dans le Sahara, au mépris de la vie humaine :
Au milieu des années 50, dans le nord de l’Algérie, c’est la guerre entre la France et les nationalistes algériens. A Reggane, dans le Sahara, sans étude d’impact, la France installe secrètement son premier Centre d’Essais Atomiques. Le 13 février 1960 à 7h04, contre l’avis des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’URSS, qui viennent de signer un moratoire contre les essais dans l’atmosphère, moratoire qui vise la France, la première bombe nucléaire française, « Gerboise bleue », explose dans le Sahara, au sud de Reggane. Président de la République, le général de Gaulle la voulait absolument, sa bombe – mais pour être précis, rappelons que la décision de procéder à cet essai avait été prise sous la présidence de René Coty par le Premier ministre, Félix Gaillard. « La bombe » fut l’un des enjeux secrets de la guerre d’Algérie. Le FLN obtint l’indépendance, avec le Sahara en prime, mais la France garda ce qui était capital aux yeux de ses dirigeants : le maintien, au Sahara, de sa base expérimentale nucléaire. Les accords d’Evian furent signés en 1962. Ils prévoyaient que la France devait abandonner ses expériences au Sahara – elle ira contaminer la Polynésie française. Mais militaires et scientifiques français poursuivirent leurs essais nucléaires au sud du Sahara jusqu’en 1966. De novembre 1961 à février 196,6 treize tirs furent effectués, et cela dans des galeries creusées horizontalement dans le massif granitique du Hoggar : ces tirs souterrains sont moins polluants, mais quatre ne furent pas totalement contenus ou confinés : « Béryl », « Améthyste », « Rubis » et « Jade ». Quand l’Armée française quitte le Sahara, en 1966, les Algériens constatent la superficialité du démantèlement des sites : il reste du matériel hautement irradié, des déchets portent atteinte à l’équilibre de l’écosystème. Aujourd’hui encore, la radioactivité persistante menace les populations locales et met en péril l’avenir des générations future. Les atolls du Pacifique finiront par bénéficier d’une certaine attention (décontamination des sites, suivi sanitaire des populations touchées), mais les populations sahariennes « continuent de subir le mépris de l’ancienne puissance coloniale », accuse Larbi Benchiha (voir ci-dessous) : à ce jour ne sont envisagés ni suivi médical, ni réhabilitation des sites…
Signalons les documentaires de Larbi Benchiha, « Vent de sable, le Sahara des essais nucléaires » (2008), « L’Algérie, de Gaulle et la bombe » (2010) et « Mémoire de sable » (2011, sur les graves conséquences sanitaires et environnementales de ces essais, voir http://larbi.benchiha.chez.com),
le film de Jean-Pierre Sinapi « Vive la bombe ! » (2006, sur le tir raté « Béryl » de mai 1962),
celui de Nathalie Barbe et Thierry Derouet, « Essais nucléaires : quelles vérités ? » (la parole est donnée à ceux qui souffrent de graves séquelles physiques et psychiques et qui, durant 40 ans, ne furent pas écoutés, cette période ayant été occultée au nom de l’intérêt supérieur de la Nation),
ainsi que l’article « Les soldats français, cobayes des essais nucléaires », dans « Le Figaro » du 16 février 2010.
LE GÉNOCIDE perpétré par les colons allemands CONTRE LES HERERO (1904-1905) :
(en cours de rédaction)
LES TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS : LE MASSACRE DE THIAROYE (1944)
(en cours de rédaction)
L’AFRIQUE RÉCLAME JUSTICE POUR LES CRIMES ET GÉNOCIDES QU’ELLE A SUBIS
En 1884-1885 s’était tenue à Berlin la Conférence pour la colonisation, le partage et la division de l’Afrique.
Pour le 125e anniversaire de cette Conférence de Berlin, un TRIBUNAL HISTORIQUE a été organisé par l'Afrika-Rat de Berlin-Brandenbourg, en collaboration avec la section allemande du Global Afrikan Congress et en présence du professeur Kapet de Bana, coordinateur international du Conseil Mondial de la Diaspora Panafricaine (il tint le rôle d’avocat général plaidant).
Ce tribunal a accueilli à Berlin, les 25 et 26 février 2010, plus de 300 participants. Des experts et témoins sont arrivés du monde entier : des Africains et des personnes d'origine africaine venus de différentes parties du globe, notamment de Mauritanie, de la République Démocratique du Congo, du Cameroun, d'Érythrée, d'Éthiopie, du Rwanda, de Tanzanie, de Guinée équatoriale, de Namibie, du Bénin, de la Jamaïque, du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, de France, d'Espagne et de Suisse.
Le tribunal a décidé que le partage criminel arbitraire de l'Afrique, effectué il y a 125 ans par les États européens criminels génocidaires dans le plus grand mépris de la culture, de la souveraineté, des lois et des institutions africaines, constitue un CRIME irréfragable contre L‘HUMANITE.
« C'est tout un continent qui a été humilié et son peuple avec lui », a déclaré la Secrétaire d’Etat allemande au Travail et à l’Intégration, Mme Liebich, dans son message aux participants.
Or, selon la coutume et le droit international en vigueur, les Crimes contre l'Humanité et les Génocides sont imprescriptibles par nature, et sanctionnés par des réparations et restitutions. Les Africains et les personnes d'origine africaine, sous le parrainage du Conseil Mondial de la Diaspora Panafricaine, demandent donc RÉPARATION et RESTITUTION.
En outre, le tribunal a exigé
– Le tribunal a cité expressément Haïti et demandé à la France de rembourser à ce pays les dédommagements versés en vue d’obtenir le droit à la reconnaissance internationale.
– Les Etats colonisateurs de l’Afrique sont également sommés par le tribunal de payer des réparations pour avoir soumis les Africains à l'esclavage et autres atrocités, entre autres les travaux forcés.
– Le tribunal a exigé la mise en application immédiate de la Déclaration de Durban et le programme d'action adopté par la Conférence.
– D'autre part, il demande à l'ONU de mettre des moyens à la disposition du Comité de Durban+10, ainsi qu'un forum pour les personnes d'origine africaine, semblable au forum des peuples autochtones.
– Le tribunal a adopté comme plan d'action d'adresser aux Nations Unies une demande formelle en vue d'encourager les États membres à nommer les faits et à aborder le sujet des réparations dues aux victimes.
– Il a exigé également la reconnaissance du racisme contre les noirs en tant que forme spécifique de racisme, la mise en place de recherches concernant son ampleur ainsi que l'interdiction de le nier ou de justifier le colonialisme et les atrocités coloniales, l'esclavagisme et le commerce des esclaves.
JUSTICE POUR THOMAS SANKARA (1949-1987) !
« De nombreux témoignages, souvent en provenance d’anciens compagnons de Charles Taylor, mettent en cause Blaise Compaoré dans l’assassinat de Thomas Sankara, avec la complicité d’Houphouët-Boigny, mais aussi de la France, de la CIA et d’autres personnalités africaines.
En avril 2006, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, saisi par le Collectif Juridique de la Campagne internationale Justice pour Thomas Sankara (CIJS) au nom de la famille, donnait raison aux plaignants, et demandait à l’Etat burkinabé d’élucider l’assassinat de Thomas Sankara, de fournir à la famille les moyens d’une justice impartiale, de rectifier son certificat de décès, de prouver le lieu de son enterrement, d’offrir des compensations à la famille pour le traumatisme subi, et de divulguer publiquement la décision du comité.
Le 21 avril 2008, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, en contradiction totale avec la décision précédente, a clos le dossier sans qu’une enquête ait été diligentée. Cette décision ne fait pas honneur à cette institution.
Au sein de la communauté internationale, certains font mine de voir en Blaise Compaoré un homme de paix, lui qui pourtant est notoirement impliqué dans les conflits au Libéria, en Sierra Leone et dans des trafics d’armes et de diamants pour l’UNITA de Jonas Sawimbi alors sous embargo onusien, et plus récemment dans le conflit qui a déchiré la Côte d’Ivoire.
Cette même communauté internationale nous propose de nous apitoyer sur ce continent pourtant si riche qu’est l’Afrique, tout en travaillant à perpétuer son assistance et sa soumission. En réalité, les vraies raisons des difficultés du continent sont à chercher dans les réseaux internationaux qui fomentent les guerres et les assassinats pour conserver leur mainmise sur les richesses du continent avec la complicité des pays occidentaux et de certains dirigeants africains.
Plus de 22 ans après son assassinat, Sankara, personnage historique, leader africain de premier plan, représente de plus en plus une référence, comme leader intègre, déterminé, créatif et courageux, précurseur de la lutte pour la défense de l’environnement ; et la révolution burkinabé est devenue un modèle de développement. Sankara a été assassiné parce qu’il dénonçait (voir ci-dessous) la dette odieuse et le diktat des puissances occidentales, mais aussi parce qu’il engageait une politique décidée dans son pays, orientée vers les besoins de son pays, pour la satisfaction des populations de son pays, tout en œuvrant pour le panafricanisme.
C’est pourquoi nous soutenons et appelons à soutenir les initiatives du collectif juridique du la CIJS qui inlassablement, depuis plus de 12 ans, intente des actions juridiques aux côtés de la famille Sankara.
Nous demandons l’ouverture des archives des pays que les témoignages désignent comme impliqués, à savoir principalement la France, les USA, mais aussi la Côte d’Ivoire, le Togo et la Libye.
Nous demandons que s’engage sans tarder une enquête indépendante sur l’assassinat de Thomas Sankara. Ceci est un devoir pour la communauté internationale, un droit pour la famille Sankara, une exigence pour la jeunesse d’Afrique, une nécessité pour l’avenir de ce continent qui ne saurait se construire avec une histoire amputée de la vérité sur un des épisodes majeurs de la fin du 20e.
Nous appelons la jeunesse, les partis démocratiques, le mouvement social en Afrique et au-delà dans les pays du monde à continuer à se mobiliser pour que cette enquête fasse toute la lumière sur cet assassinat et pour que justice soit faite, ce qui serait un grand pas pour mettre fin à l’impunité en Afrique. »
Je vous invite à visiter le site www.thomassankara.net (le texte ci-dessus en est extrait) et à y signer la pétition « Justice pour Thomas Sankara, Justice pour l’Afrique ». Christophe Baroni.
Thomas Sankara demande l’annulation de la DETTE DU TIERS-MONDE
(Extraits de son discours à la 25e Conférence au sommet des pays membres de l'OUA à Addis-Abeba, le 29 juillet 1987. Il sera assassiné le 15 octobre 1987.)
« Nous estimons que la dette s'analyse d'abord de par ses origines. Les origines de la dette remontent aux origines du colonialisme. Ceux qui nous ont prêté de l'argent, ce sont ceux-là qui nous ont colonisés, ce sont les mêmes qui géraient nos États et nos économies, ce sont les colonisateurs qui endettaient l'Afrique auprès des bailleurs de fonds, leurs frères et cousins. Nous étions étrangers à cette dette, nous ne pouvons donc pas la payer. »
« La dette, c'est encore le Néo-Colonialisme où les colonisateurs se sont transformés en assistants techniques ; en fait, nous devrions dire qu'ils se sont transformés en assassins techniques ; et ce sont eux qui nous ont proposé des sources de financement. (…) On nous a présenté des montages financiers alléchants, des dossiers ; nous nous sommes endettés pour cinquante ans, soixante ans, même plus : c’est-à-dire que l'on nous a amenés à compromettre nos peuples pendant cinquante ans et plus. »
« Mais la dette, c'est sa forme actuelle, contrôlée, dominée par l'impérialisme, une reconquête savamment organisée pour que l'Afrique, sa croissance, son développement obéissent à des paliers, à des normes qui nous sont totalement étrangères, faisant en sorte que chacun de nous devienne l'esclave financier, c’est-à-dire l'esclave tout court de ceux qui ont eu l'opportunité, la ruse, la fourberie de placer les fonds chez nous avec l'obligation de rembourser. »
« La dette ne peut pas être remboursée parce que d'abord si nous ne payons pas, nos bailleurs de fond ne mourront pas. Soyons-en sûrs. Par contre, si nous payons, c'est nous qui allons mourir. Soyons-en sûrs également. Ceux qui nous ont conduits à l'endettement ont joué comme dans un casino ; quand ils gagnaient, il n'y avait point de débat, maintenant qu'ils ont perdu au jeu, ils exigent de nous le remboursement ; et l'on parle de crise. Non ! Monsieur le Président, ils ont joué, ils ont perdu, c'est la règle du jeu, la vie continue ! »
« Nous ne pouvons pas rembourser la dette parce que nous n'avons pas de quoi payer ; nous ne pouvons pas rembourser la dette parce que nous ne sommes pas responsables de la dette ; nous ne pouvons pas payer la dette parce que, au contraire, les autres nous doivent ce que les plus grandes richesses ne pourront jamais payer, c’est-à-dire la dette de sang. C'est notre sang qui a été versé ; on parle du plan Marshall qui a refait l'Europe Economique, mais on ne parle jamais du plan Africain qui a permis à l'Europe de faire face aux hordes hitlériennes lorsque leur économie était menacée, leur stabilité menacée. Qui a sauvé l'Europe ? C'est l'Afrique ! On en parle très peu, on en parle si peu que nous ne pouvons pas, nous, être complices de ce silence ingrat. Si les autres ne peuvent pas chanter nos louanges, nous avons au moins le devoir de dire que nos pères furent courageux et que nos anciens combattants ont sauvé l'Europe et finalement ont permis au monde de se débarrasser du nazisme. »
« La dette, c'est aussi la conséquence des affrontements ; et lorsque l'on nous parle aujourd'hui de crise économique, on oublie de nous dire que la crise n'est pas venue de façon subite, la crise existe de tout temps et elle ira en s'aggravant chaque fois que les masses populaires seront de plus en plus conscientes de leur droit face aux exploiteurs. Il y a crise aujourd'hui parce que les masses refusent que les richesses soient concentrées entre les mains de quelques individus ; il y a crise parce que quelques individus déposent dans des banques à l'étranger des sommes colossales qui suffiraient à développer l' Afrique ; il y a crise parce que face à des richesses individuelles que l'on peut nommer, les masses populaires refusent de vivre dans les ghettos, dans les bas quartiers ; il y a crise parce que les peuples partout refusent d'être dans Soweto face à Johannesburg. Il y a donc lutte et l'exacerbation de cette lutte amène les tenants du pouvoir financier à s'inquiéter. On nous demande aujourd'hui d'être complices de la recherche d'un équilibre, équilibre en faveur des tenants du pouvoir financier, équilibre au détriment de nos masses populaires. Non, nous ne pouvons pas être complices, non, nous ne pouvons pas accompagner ceux qui sucent le sang de nos peuples et qui vivent de la sueur de nos peuples, nous ne pouvons pas les accompagner dans leur démarche assassine. »
« Monsieur le président, nous entendons parler de club, club de Rome, club de Paris, club de partout. Nous entendons parler du groupe des cinq, du groupe des sept, du groupe des dix, peut-être du groupe des cent et que sais-je encore. Il est normal que nous créions notre club et notre groupe, faisant en sorte que dès aujourd'hui Addis-Abeba devienne également le siège, le centre d'où partira le souffle nouveau : le club d'Addis-Abeba. »
« Nous avons le devoir aujourd'hui de créer le front uni d'Addis-Abeba contre la dette. Ce n'est que de cette façon que nous pouvons dire aux autres qu'en refusant de payer la dette nous ne venons pas dans une démarche belliqueuse ; au contraire, c'est dans une démarche fraternelle pour dire ce qui est. Du reste, les masses populaires en Europe ne sont pas opposées aux masses populaires en Afrique, mais ceux qui veulent exploiter l'Afrique, ce sont les mêmes qui exploitent l'Europe ; nous avons un ennemi commun. »
« Les plus grands voleurs sont les plus riches. Un pauvre, quand il vole, il ne commet qu'un larcin ou une peccadille tout jute pour survivre par nécessité. Les riches, ce sont eux qui volent le fisc, les douanes et qui exploitent les peuples. »
« Qui ici ne souhaite pas que la dette soit purement et simplement effacée ? (…) Tous nous le souhaitons ! »
« Je ne voudrais pas que l'on prenne la proposition du Burkina Faso comme celle qui viendrait de la part de jeunes sans maturité et sans expérience. Je ne voudrais pas non plus que l'on pense qu'il n'y a que les révolutionnaires à parler de cette façon. Je voudrais que l'on admette que c'est simplement l'objectivité et l'obligation et je peux citer, dans les exemples de ceux qui ont dit de ne pas payer la dette, des révolutionnaires comme des non-révolutionnaires, des jeunes comme des vieux. »
LA « FRANÇAFRIQUE » ou « MAFIAFRIQUE »
Extraits du livre de Christophe Baroni LE TEMPS DES INCERTITUDES (cote L 4), paru en nov. 1998 (Tous droits réservés) :
« Armée, nucléaire, pétrole et argent sont étroitement imbriqués. Les idéaux républicains, démocratiques, les droits de l’homme pèsent peu face à ces puissances.
» Pour reprendre l’exemple de la France, qui n’est évidemment pas le seul Etat où beaucoup de dirigeants ont les mains sales, ‘‘la configuration réelle des pouvoirs réserve une place tout à fait privilégiée à Elf et à l’armée’’ qui, installées au cœur du régime, ‘‘détiennent le monopole de l’information légitime des gouvernants à propos du continent africain – entre autres’’, dénonce avec courage et sans illusions le mensuel ‘‘Billets d’Afrique’’ (sept. 1997). Dès juin-juillet 1997, ‘‘la logique militaro-pétrolière a fait tranquillement avaliser par le gouvernement Jospin ses options stratégiques au Gabon, au Tchad, au Niger, au Cameroun, etc.
» Par ailleurs, dans la ‘‘zone Franc’’ de l’Afrique noire, des sectes, notamment l’A.M.O.R.C., l’O.T.S. et le Mandarom, permettent l’accès de l’argent sale aux places financières du monde industrialisé, affirme, preuves à l’appui, Bruno Fouchereau dans ‘‘La mafia des sectes’’ : sur le continent africain comme en Amérique latine, la croissance des sectes est ‘‘à la mesure des ressources minières et des gisements pétrolifères’’ – et d’évoquer le Gabon, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Congo, le Sénégal, le Cameroun. Un procureur suisse courageux ne vient-il pas de mettre en cause un potentat africain à la botte de la France, dans le cadre d‘une gigantesque affaire internationale impliquant le groupe pétrolier Elf ?
» L’imbrication des intérêts de tout ordre et la corruption sont telles qu’un chef d’Etat n’y peut guère remédier :
» Le 29 juin 1995, le président Chirac reçoit un compte rendu du Centre d’analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères, intitulé ‘‘La criminalisation en Afrique subsaharienne’’. A la première page on peut y lire ceci : ‘‘La criminalisation de l’Afrique noire commence à poser de réels problèmes de sécurité à l’Europe occidentale et concerne directement la France. La zone Franc est une voie d’accès privilégiée de l’argent sale aux places financières du monde industrialisé. Certains de nos ressortissants sont directement impliqués dans les circuits de blanchiment en Afrique centrale… Jusqu’à nos forces armées qui sont compromises dans la consommation ou le trafic de stupéfiants…’’ Principaux pays épinglés dans ce rapport : le Togo et le Cameroun. Colère du Président, qui hurle qu’il faut tourner le dos aux chefs d’Etat africains corrompus. Bien vite il sera ‘‘ramené à des considérations plus terre à terre par ses conseillers avisés’’, ajoute Bruno Fouchereau. »
« L'AFRIQUE SERT À BLANCHIR L'ARGENT DES PARTIS POLITIQUES »
Extraits du chapitre « Solidarité avec le Sud » du livre SOLIDAIRES! (© 2003) de Christophe Baroni :
« Ecrivain-diplomate, Erik Orsenna, qui avec Jean-Louis Bianco, secrétaire général de l’Elysée, avait préparé le fameux discours sur la démocratisation de l’Afrique, prononcé en 1990 à La Baule par François Mitterrand, exprime sa déception dans une interview publiée dans ‘Télérama’ le 8 septembre 1993 : ‘Tout le monde sait que les partis politiques sont financés par des détournements de trafics via l’Afrique. L’Afrique sert à blanchir l’argent des partis politiques. C’est scandaleux parce que, en pervertissant les élites, on fiche en l’air le développement de l’Afrique. Je maintiens que la transparence des circulations de l’argent est un minimum. Le Président [Mitterrand] y est totalement et farouchement opposé.’ »
« Quelle amère lucidité dans la boutade de José Artur : ‘L’aide au développement consiste à prendre l’argent des pauvres des pays riches pour le donner aux riches des pays pauvres – boutade que l’économiste Verschave, si bien informé des scandales de ce qu’ils appelle ‘la Françafrique’, propose de compléter : ‘… parce que ces riches des pays pauvres en rendent une bonne part aux riche des pays riches, qui organisent l’opération’. »
BIAFRA : pétrole, barbouzes, « French doctors » et famine
(en cours de rédaction)
(en cours de rédaction)
COMMENT LA FRANCE RÉPRIMAIT DES ÉMEUTES AU TCHAD :
confidences d’un ancien militaire français
Dans les années 90, un de mes voisins, qui dans sa jeunesse avait servi dans une équipe médicale de l’Armée française, me fit des confidences sur ce qu’il avait observé, horrifié, au Tchad. Lorsque des Tchadiens faisaient mine de se révolter, l’Armée française, s’inspirant selon lui de Staline, rétablissait l’ordre en plaçant une mitrailleuse à chaque extrémité du village dont les habitations s’étiraient de part et d’autre de la route. Une mitrailleuse se mettait à tirer, les Tchadiens prenaient la fuite, et l’autre mitrailleuse les accueillait, selon un principe d’une clarté martiale : s’ils fuyaient, c’est qu’ils étaient coupables…
ÉLECTIONS « FRANÇAFRICAINES » AU TCHAD EN 1996
En 1996, les stratèges politico-militaires de Paris ayant décrété que le seigneur de guerre Idriss Déby était le moindre mal pour le Tchad, le « pays des Droits de l'Homme » choisit de légitimer ce dictateur – comme en 1992 au Cameroun, comme au Togo, comme au Gabon. « L'Elysée a embrayé, précipitant l'organisation d'une élection présidentielle 'clés en main'. A chaque étape (Commission électorale, recensement, référendum constitutionnel...), le couple Paris-Déby a balayé les objections des partis et de la société civile », révéla en juillet 1996 « Billets d'Afrique », édité par Survie. L'Armée française, la Mission de coopération et une ONG, le GERDDES, supervisèrent l'ensemble du processus électoral et tout particulièrement « la confection des résultats » (eh oui):
1) Le recensement fut truqué: 62 196 électeurs pour 73 185 habitants dans l'extrême Nord du pays, le Borkou Ennedi Tibesti, plus favorable à Déby.
2) Des candidats gênants furent évincés ou emprisonnés.
3) On inscrivit sur les listes env. 200 000 électeurs « tchadiens » résidant au Soudan et appartenant pour la plupart aux tribus transfrontalières favorables au clan de Déby (elles votent dans des conditions échappant à tout contrôle).
4) De vraies-fausses cartes électorales furent émises par le ministère de l'Intérieur, et d'autres rachetées dans les milieux supposés défavorables.
5) Du permanganate lavable remplaça fréquemment l'encre indélébile marquant les votants, ce qui favorisa les votes multiples.
6) Les 350 000 « nomades » (dont des enfants) fournirent à Déby plus de 500 000 électeurs.
Malgré ces fraudes, les estimations donnaient, à l'issue du dépouillement, environ 25% des voix à chacun des deux principaux candidats: Déby et le général Kamougué. Mais entre cette étape du scrutin et le résultat officiel, où n'interviennent que le transport par hélicoptères militaires français et la centralisation informatique, le score de Déby doubla! Dans la Biltine, région dont il est originaire, le taux de participation officiel atteignait 120,9%, alors que son rival Kamougué se voyait privé, d'après des recoupements, d'au moins 60 000 souffrages dans son fief, le Logone occidental, y passant ainsi de 75% à 43% des voix, ce qui entraîna la démission de l'évêque du lieu. Dans le Moyen-Chari, le score de Déby aurait été multiplié par 10, celui de son rival divisé par 3 ou 4. Au bout du compte, Déby se retrouvait élu au premier tour, avec 50,14% des voix.
Panique à Paris, devant un tel excès de zèle. Le directeur « Afrique » du Quai d'Orsay aurait personnellement donné la consigne: repasser sous la barre des 50%, pour ménager jusqu'au bout les apparences d'une compétition démocratique... Rappelé d'urgence de la piscine du Novotel, M. Grand d'Esnon aurait alors atténué la « gonflette » : Déby obtenait désormais 47,86%, Kamougué 11,8%, révèle « Billets d'Afrique ».
Ces résultats totalement truqués « constituent non seulement une humiliation et une injure inacceptables pour le peuple souverain, mais ils annoncent la fin de la Démocratie au Tchad au profit de l'aventurisme politico-militaire et de la résurgence d'une certaine opposition Nord-Sud entretenue à dessein », commenta la Ligue tchadienne des Droits de l'Homme (LTDH), présidée par Enoch Djondang. On coupa le téléphone des responsables politiques opposés à Déby, on convoqua et menaça les membres de la LTDH.
« En l'occurrence, conclut "Billets d'Afrique", la Françafrique a fait pire que soutenir une dictature: elle a amené un peuple à croire en la démocratie pour mieux lui 'légitimer' son tyran, par la fassification de son suffrage. Il n'est pas près d'oublier ce sabotage de sa volonté. »
Est-ce bien aux dirigeants français de donner à d'autres Etats, telle la Chine, des leçons sur le respect des Droits de la Personne? « La France se comporte avec les pays africains comme si le Droit n'existait pas », écrit le 12 novembre 2007 Serge-Nicolas Nzi, du Centre africain d'études stratégiques (Abidjan.net). Mais Dieu merci, la France est aussi le pays où Voltaire (dans l'affaire Calas), Victor Hugo (de son exil) ou Emile Zola (dans l'affaire Dreyfus) surent dénoncer les crimes du Pouvoir. Truquages et désinformation ne l'emporteront pas toujours. Et l'Afrique s'est réveillée. Désormais elle entend parler d'égal à égal avec ses interlocuteurs.
Mieux vaut en rire:
--- « C'est grâce à l'aide de la France que des élections se tiennent et que des populations profitent du pluralisme et du multipartisme. N'en privez pas les peuples africains, vous briseriez leur espoir », déclara le 13 novembre 1996 Jacques Godfrain, ministre français de la Coopération.
--- « En Afrique, il n'y aura jamais d'élections de la qualité de celles du Danemark", estime un haut responsable français cité par le journaliste Patrick de Saint-Exupéry dans son article "Paris veut croire à la fin de la dictature au Togo », paru dans « Le Figaro » (Paris) le 4 mai 2005.
TCHAD, ARCHE DE ZOÉ, PSEUDO-ORPHELINS ET... EXPÉRIMENTATION MÉDICALE ???
Idriss Déby, qui est toujours le dirigeant du Tchad, a dans l'étrange affaire de l'Arche de Zoé (2007) évoqué un réseau de trafic d'organes et de pédophiles. Nous ne le suivrons pas sur ce terrain. Mais des zones d'ombre dans ce dossier laissent bien songeur. Une petite ONG cacherait-elle un ou des laboratoires médicaux? Et un Sarkozy en cacherait-il ou en couvrirait-il un autre? Le fougueux pompier volontaire qui préside l'Arche de Zoé aurait-il joué le rôle de "l'idiot utile" ?
Un frère cadet du président Nicolas Sarkozy, le pédiatre François Sarkozy, siège dans le Comité d'évaluation de Paris Biotech Santé aux côtés de Stéphanie Dhainaut-Lefebvre, laquelle était... le contact e-mail (adresse: lefebvre.s arobase parisbiotech.org) de l'Arche de Zoé dans l'avis de création, le 2 juillet 2005, de cette association. Fille du docteur J.-Fr. Dhainaut (lui-même chef du pôle Paris Biotech Santé et membre du Conseil scientifique de la commission Recherche de l'UMP, le parti du président Sarkozy), Stéphanie Dhainaut-Lefebvre, alias Stéphanie Dhaulagiri, est secrétaire générale de l'Arche de Zoé et en tient la comptabilité. Elle est également directrice adjointe de Paris Biotech Santé. Les commissaires aux comptes de l'Arché de Zoé et de Paris Biotech Santé sont les mêmes. Paris Biotech Santé a pour mission d'aider à la création d'entreprises dans le domaine de la santé: programmes sanitaires, recherche médicale, production de médicaments, services aux malades... Intéressante est la carrière fulgurante du pédiatre François Sarkozy: directeur médical d'Aventis Pharma, puis directeur du développement international chez Roussel-Uclaf "avant d'être propulsé vice-président du laboratoire pharmaceutique Bio Alliance Pharma et président d'AEC Partners", lit-on dans "La République des Lettres" en date du 8 novembre 2007. Bio Alliance Pharma a, pour objet, entre autres, de tester, avant leur lancement sur le marché, de nouveaux médicaments sur des patients volontaires. Toujours conscients et volontaires, ose-t-on espérer.
Pour forger votre propre opinion et suivre le dossier, il vous suffit de taper dans un bon moteur de recherche les mots "Arche de Zoé Tchad laboratoire". Les principaux médias français sont tenus par le Pouvoir, vous le savez.
BISESERO : un crime postcolonial tout récent (Rwanda, mai 1994)
Le 13 mai est une des dates les plus sombres de l'histoire de France : dans le cadre de l'opération prétendument humanitaire « Turquoise », au RWANDA, le vendredi 13 mai 1994, Mitterrand, son gouvernement et son armée aidèrent les génocidaires hutu à briser la résistance des Tutsi à BISESERO. Ce bain de sang, un des épisodes du génocide du printemps 1994, est à mettre au compte, déjà bien lourd, des crimes coloniaux et postcoloniaux du « Pays des droits de l'homme ». Le périodique « LA NUIT RWANDAISE » (Paris) a choisi cette date pour sortir son numéro 2010 (496 pages, 15 euros). Sur son site http://www.lanuitrwandaise.net, vous trouverez un texte fort et au contenu très riche. La participation très active, discrète, efficace de militaires français au carnage de Bisesero est désormais clairement établie par SERGE FARNEL, que vous pouvez lire dans « La Nuit rwandaise », mais aussi écouter via dans l'émission « Babylone », sur la Radio Suisse Romande 2, http://www.rsr.ch/espace-2. Cette interview d'une heure est remarquable de précision, et accablante pour les autorités françaises d’alors, qui avec cynisme et fourberie, en attirant les Tutsi dans un piège pour les rassembler et mieux exterminer hommes, femmes, enfants et vieillards, a commis là l'un des pires crimes postcoloniaux de son histoire, qui en compte tant et tant…
CONGO-Brazza : LES DISPARUS DU BEACH
(en cours de rédaction)
SIERRA LEONE : « LES DIAMANTS DE SANG »
(en cours de rédaction)
RDC : LES « TÉLÉPHONES DE SANG »
(en cours de rédaction)
AFRIQUE DU SUD : Barnard et le médecin noir « oublié » (un aspect de l’apartheid)
(en cours de rédaction)
«Des cliniques appartenant à des multinationales qui utilisent les populations pauvres africaines comme cobayes pour tester des médicaments ? Bien sûr que ça existe ! A la fin des années 90, une entreprise a profité d’une épidémie de méningite au Nigéria pour tester sur des enfants les effets secondaires d’un antibiotique destiné au marché américain. L’entreprise n’était pas préoccupée par l’efficacité du médicament pour cette affection en particulier ni par la sécurité des enfants. Une telle pratique provoquerait un scandale en Occident ! En Afrique, elle ne nous choque pas», révèle le Daniel Berman, médecin à Médecins sans Frontières-Genève («Tribune de Genève», 14-15.1.2006), à l’occasion de la sortie du film «The Constant Gardener», tiré du livre de John Le Carré (même titre) paru en 2001 et qui dénonce les pratiques de groupes pharmaceutiques en Afrique. C’est le docteur Berman qui «m’a fourni des informations dignes de trois étoiles au Michelin», remercie Le Carré à la fin de son «roman».
SIDA : Des prostituées africaines comme cobayes
Le 26 janvier 2005, le quotidien communiste « L’Humanité », sous la plume de Camille Bauer, accusait l’organisation Family Health International (FHI) de faire des économies sur le dos de la vie humaine en décidant de procéder à un essai clinique pour un médicament du laboratoire Gilead contre le sida sur 1’200 prostituées de trois pays d’Afrique (Cameroun, Nigeria, Ghana). Etude en principe prometteuse : elle vise à tester si le Ténofovir, un médicament déjà utilisé dans les trithérapies, peut également servir à limiter les risques de contamination. Mais les dispositions accompagnant la mise en place de cette étude, financée à hauteur de 6,5 millions de dollars par la fondation Bill et Melinda Gates, vont « à l’encontre des règles éthiques », souligne l’association Act Up-Paris. D’abord, en choisissant de recruter des séronégatifs appartenant à un groupe de personnes fortement exposées au risque de contamination, le laboratoire s’évite de faire une longue étude coûteuse sur un échantillon plus large, explique l’association. Autre économie : au lieu de trouver une méthode qui permette de calculer les effets d’un médicament sans mettre en danger les patients, ce qui est généralement le cas, FHI a choisi de distribuer un placebo à la moitié de ses cobayes. Dans la mesure où ceux qui participent à une étude clinique se sentent protégés et tendent à réduire leur vigilance, la participation à l’étude multiplie les risques de contamination. D’autant qu’il s’agit de prostituées, qui ont déjà des difficultés à négocier le port du préservatif avec leurs partenaires. Pour autant, le laboratoire est clair sur un point : pas question de financer les traitements de celles qui seront contaminées à la suite de leur participation à l’étude. Les cobayes à bas prix doivent le rester !
"Ce qui se passe dans des pays comme le Congo-Brazzaville ou l'Angola, où le pétrole devient dette, guerre civile et dictature, est une forme d'esclavage moderne. (…) L'excès de maux infligé à l'Afrique renvoie au défi du bien public mondial, qui peut susciter des dynamiques inédites, des jeux à somme incroyablement positive. (…) Ne soyons pas trop pessimistes: on l'observe un peu partout sur la planète, l'intelligence civique de la mondialisation commence, avec un temps de retard, à sérieusement déranger une intelligence plus expéditive, oligarchique et/ou mafieuse." Lu dans Billets d'Afrique et d'ailleurs…, numéro de février 2002, édité par l'Association Survie, 57, av. du Maine, F 75014 Paris; survie@wanadoo.fr.): cette publication est une précieuse mine de renseignements sur la "Françafrique", que l'on peut de plus en plus appeler une "Mafiafrique". Son site: www.globenet.org/survie.
François-Xavier Verschave, cheville ouvrière de l’association Survie et auteur du livre « Noir Chirac » (Edit. Les Arènes, 2002), s’indigne de l’utilisation manipulatrice de son ouvrage par le candidat à la présidence de la République française Jean-Marie Le Pen. Il écrit : « Au second tour ne subsistent que deux candidats : l’ami des dictateurs néocoloniaux, associé au pillage de l’Afrique, et un fasciste xénophobe, dont je dénonce les complicités avec les pires aventures mercenaires. » La mort dans l’âme, F.-X. Verschave et l’association Survie ont fait le choix politique d’appeler à voter Chirac au second tour.
Le 11 mai 2010, par la voix de son président Jean-Claude Mbvoumin, ancien footballeur camerounais, « FOOT SOLIDAIRE » a lancé un appel, à Paris, pour mettre en garde contre le trafic et l'exploitation des jeunes footballeurs africains. Cette campagne est soutenue par la Ligue des droits de l'homme, l'Union africaine, le Comité national olympique et sportif français, l'Ambassade d'Afrique du Sud à Paris et l'Association européenne des droits de l'homme. Pour en savoir plus: http://www.footsolidaire.org.
« Les naïfs, croyant aux discours des tartufes de droite ou de gauche, opposent volontiers les Etats-Unis au 'pays des droits de l’homme'. La réalité est beaucoup plus complexe. 'Comme le système français tend à prolonger des régimes dégénérés, les points d’appui américains [en Afrique] ont souvent une allure plus convenable', constate Verschave. Il fait observer qu’à Washington le débat de politique étrangère est 'moins verrouillé qu’à Paris'. Egoïstes certes, voire cyniques, les dirigeants et hommes d’affaires états-uniens ne sauraient en revanche être accusés de complicité active de génocide comme c’est le cas, pour le Rwanda (voir pages 86 à 89), des autorités et de l’armée françaises – autorités et armée que je me garde, bien sûr, d’identifier au peuple français, un peuple ami qui mérite d’être mieux gouverné. A l’Indice du développement humain (IDH), issu d’un travail réalisé depuis 1991 par le PNUD et fort mal vu à Paris, les pays les plus mal classés sont ceux qu’'aide' depuis une quarantaine d’années la 'coopération' française ! Cet indice ne s’en tient pas à un revenu moyen apparent: il mesure l’effet des ressources du pays sur le bien-être, la santé, l’éducation… Et aux Etats-Unis comme ailleurs, mais généralement avec des moyens plus puissants, naissent des initiatives inspirées par un désir sincère, dépourvu d’arrière-pensées mercantiles, d’aider le tiers-monde. Ainsi le ‘Hunger Project’ (Projet Faim), mouvement né en 1977 et qui a développé avec succès la 'planification stratégique en action' dans des villages au Bangladesh, au Sénégal, au Ghana, au Bénin, au Burkina Faso, en Ouganda et au Malawi en mobilisant des leaders autochtones, en agissant comme un catalyseur là où il y a problème, et en misant sur la créativité et non sur la reproduction de la solution. Les femmes ont là un rôle clé à jouer, vu les responsabilités que traditionnellement elles assument dans la production alimentaire, la nutrition, la santé et l’éducation : elles doivent donc être revalorisées. »
Extrait du chapitre « Solidarité avec le Sud » du livre SOLIDAIRES! (© 2003) de Christophe Baroni.)
CE QUI CHANGE EN AFRIQUE AVEC L’ENTRÉE EN JEU DE LA CHINE :
(en cours de rédaction)
« LES AFRICAINS REDÉFINISSENT EUX-MÊMES LEUR DESTIN »
« ‘Ici [en Occident], on a l’impression que les Africains sont toujours en train de s’étriper. On parle de sauvagerie. Mais je suis entièrement d’accord avec les observateurs que j’ai souvent invités au 'Débat africain' : toute cette agitation est le signe que l’Afrique se remet en marche, se réapproprie son histoire, après les années de gel du colonialisme. Tout s’était figé, alors que les mouvements de population n’étaient pas terminés dans les parties centrales et australes du continent. Le carcan des frontières imposées par les empires coloniaux est en train de sauter. Aujourd’hui, les Africains redéfinissent eux-mêmes leur destin’, déclare, interviewée par Martine Lecœur dans ‘Télérama’ du 3 mars 1999, Madeleine Mukamabano, contrainte à l'exil en Ouganda parce que tutsi, puis obligée de quitter ce pays quand le dictateur sanguinaire Amin Dada s'en est pris aux étudiants rwandais réfugiés : évacuée vers Paris, elle est devenue collaboratrice du magazine ‘Demain l'Afrique’ et d'une revue du ministère de la Coopération, puis a été intégrée à Radio France Internationale en 1986, a aussi collaboré au magazine littéraire ‘Panorama’ de France Culture, avant d'y assurer son propre magazine, ‘Antipodes’, tout en animant ‘Le Débat africain’ sur Radio France internationale. » (Extrait du chapitre « Solidarité avec le Sud » du livre SOLIDAIRES! (© 2003) de Christophe Baroni.)
Parmi les lueurs d’espoir en Afrique :
UN COMBAT EXEMPLAIRE POUR LA DIGNITÉ ET LA PROTECTION DES DROITS DES ENFANTS, celui de Marguerite Barankitse, marraine de l'Appel Mondial à une nouvelle mobilisation pour l'Enfance.
Elle a sauvé des milliers d'enfants durant le génocide qui a ravagé son pays, le Burundi, de 1993 à 2003.
Le 25 octobre 1993, l'une des pires journées de la guerre civile du Burundi, elle commence à abriter et à nourrir 25 enfants.
Par la suite, elle organise un réseau qui parvient à venir en aide à un nombre d'enfants sans cesse plus grand. En mai 1994, l'évêque de Ruyigi prête une école qui sera transformée en un refuge pour enfants, nommé « Maison Shalom ».
En 2004, on estimait à 20 000 le nombre d'enfants ayant bénéficié directement ou indirectement de son aide.
« Je n'ai qu'un rêve : que chaque enfant puisse vivre en famille et dans la dignité. Il y a assez de richesses à partager dans le monde. Il y a tant d'enfants qui meurent d'avoir trop mangé et tant qui meurent de n'avoir rien. C'est pourquoi je viens ici faire cet appel... Vous savez, j'ai un surnom, on m'appelle ‘‘la folle du Burundi’’. Je voudrais que quand je sortirai de cette salle, vous ayez été contaminés par cette folie... Je lis beaucoup de livres sur les droits des enfants, mais partout, ces droits sont bafoués. Nous devons nous révolter car c'est notre avenir qui est en danger. Nous pouvons nous taire, mais alors, ces enfants ne nous laisseront jamais tranquilles... C'est ce que nous devons faire, délier les langues... Je suis venue vous parler des merveilles de la vie : les enfants. C'est la vraie richesse que nous possédons. » Marguerite Barankitse, lancement de l'Appel Mondial pour l'Enfance, Genève, 4 juin 2009.
Le courage et la force morale et spirituelle de Marguerite Barankitse lui ont permis, bien souvent au risque de sa vie, de construire en une décennie une œuvre extraordinaire pour protéger les enfants des ravages de la guerre et du sida, dans l'effroyable chaos du Burundi de la période 1993 - 2003. L'étendue de son action, fondée sur le principe essentiel de l'accueil inconditionnel des enfants, indépendamment de leur origine tutsi ou hutu, lui vaut une immense reconnaissance internationale.
Le Bureau International Catholique de l’Enfance (BICE) se sent en grande affinité avec son approche des enfants : à la fois extrêmement respectueuse et délicate, s'enracinant dans le principe de la résilience et dans une foi en l'enfant profondément évangélique.
Maggy Barankitse a accepté de parrainer l'Appel Mondial pour l'Enfance lancé par le BICE à Genève le 4 juin 2009 : le BICE est très honoré qu'elle commémore ainsi à ses côtés le 20e anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant (CIDE).