GÉOPOLITIQUE et DROITS DE LA PERSONNE


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GLOBAL TRENDS 2025

Aux Etats-Unis, le National Intelligence Council « met à contribution les meilleurs cerveaux d’Amérique et du monde pour tenter d’évaluer, avec le point de vue très surplombant de Sirius, à quels bouleversements géopolitiques majeurs les Etats-Unis (et le reste de la planète, bien sûr) risquent d’être confrontés au cours des décennies à venir » (Claude Monnier, « 24 heures », Lausanne, 25.8.09). En 2009, sous le titre « Global Trends 2025 » (Tendances globales 2025), il a publié une étude dont voici quatre conclusions, telles que les résume Claude Monnier :
1) Le système international né en 1945 est en voie de chamboulement total ; de nouvelles grandes puissances (Brésil, Russie, Inde, Chine) vont prendre le contrôle de la planète, et ce sont elles qui définiront les règles du jeu.
2) Le transfert massif de richesses de l’Ouest vers l’Est va continuer.
3) Une croissance économique sans pareille et un milliard et demi d’habitants supplémentaires sur la terre provoqueront des pénuries majeures d’énergie, d’aliments et d’eau.
4) Les risques de conflits grandiront immensément dans toute l’Asie occidentale.
Pour le texte complet, qui donne des prévisions politiques saisissantes, il vous suffit de taper « Global Trends 2025 » dans Google.

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ANALYSER LES GRANDS PROBLÈMES DU MOMENT « DE MANIÈRE FROIDE, SYSTÉMIQUE ET NEUTRE » ?

C’est pour cette approche que, dans sa chronique du 20 octobre 2009 dans « 24 heures » (Lausanne), plaide le journaliste Claude Monnier, qui dirigea la revue hélas disparue « Le Temps stratégique » : « Lorsque les sociétés humaines étaient petites – notre village, plus le village voisin, quelques centaines de personnes à tout casser –, la morale était un jeu de règles simples pas toujours appréciées sans doute, mais que chacun comprenait », mais avec l’ouverture du monde « les problèmes humains sont devenus planétaires, immenses, complexes », et pour les régler la morale, « certes toujours utile pour assurer la qualité des relations de proximité », se révèle « aussi inefficace que le serait un fil à couper le beurre pour gérer le lancement d’une fusée sur la Lune ». C’est donc, selon Claude Monnier, de manière « froide, systémique et neutre » que nous devons analyser les grands problèmes du moment, « comme nous le ferions pour résoudre la panne de notre voiture » : crise financière, gestion des conflits du Proche-Orient ou de la zone Afghanistan-Pakistan, régulation des populations migrantes, et dix mille autres… Il ne s’agit pas de renoncer à la morale et aux idéologies (lesquelles sont l’expression politique de jugements moraux), mais « de les tenir en bride chaque fois qu’il s’avère nécessaire d’étudier – sans passion ni jugement de valeur – un problème complexe, ainsi que ses prolongements possibles sur l’ensemble du système social et économique ».

Une fois le problème « disséqué proprement, calmement, et ramené à un choix honnête simple, ‘‘oui ou non’’, nous pourrons ressortir du frigo la morale et les idéologies. Pour le vote final, en somme. »

Mais pas avant, « sinon, exaspérés par la sainte et impérative simplicité de la morale, nous finirons, c’est sûr, par nous entre-tuer jusqu’au dernier ». A méditer, à coup sûr – en évitant des réactions passionnelles injustifiées, car Claude Monnier est un parfait honnête homme, intelligent mais plein de cœur aussi : il n’a rien d’un computer ni d’un monstre froid !

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LE CHOC DES CIVILISATIONS

A propos de la Conférence mondiale contre le racisme de l’ONU, en avril 2009 à Genève, conférence appelée « Durban II » vu que la première conférence portant ce nom avait eu lieu à Durban (Afrique du Sud) en 2001, après deux autres conférences contre le racisme à Genève en 1978 et en 1983, Michel Danthe, rédacteur en chef du « Matin Dimanche » (Lausanne), évoque dans son éditorial du 19 avril 2009 « le choc des civilisations », thème cher au politologue américain Samuel Huntington, auteur, sous le titre « Le Clash of Civilizations and the Remaking of World Order », d’un article paru en 1993 dans la revue « Foreign Affaires », puis d’un livre publié en 1996, puis en traduction française aux Editions Odile Jacob en 1997 sous le titre « Le choc des civilisations ». Les observateurs de Durban II, conférence présidée par la Libye de Kadhafi, « verront à l’œuvre ce que signifie ce choc des civilisations : un choc entre des systèmes de valeurs où le sens des mots n’est pas le même. Pour nombre de pays participants, les modèles à suivre pour la défense des droits humains seront la Libye, l’Iran ou Cuba… Les autres pays, minoritaires au jeu des votes, ne partageront pas cet avis. Le clash de Huntington est inévitable. Il sera salutaire », estime Michel Danthe.

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AFGHANISTAN :

une nouvelle géopolitique Selon Frédéric Bobin, correspondant du « Monde » en Asie du Sud, l’hégémonie des Etats-Unis en Afghanistan est en train de s’éroder au profit de trois puissances régionales : la Russie, l’Iran et la Chine. Huit ans après la chute du régime taliban (fin 2001) et la mise en route d’une difficile « reconstruction », l’incertitude sur l’avenir du pays « est plus grande que jamais », écrit-il le 3.9.09 dans « Le Temps » (Genève). L’hégémonie des Etats-Unis en Afghanistan « a vécu », ayant au fil des ans offensé un nationalisme afghan ombrageux. Le président Hamid Karzaï, censé être « l’homme des Américains », a amorcé dès 2008 un tournant nationaliste, « cherchant à opposer des contrepoids à l’influence de Washington et, au-delà, à celle de Londres dont les ingérences plus subtiles – passé colonial oblige – ont aussi fini par indisposer.Trois puissances régionales ont profité de l’espace ainsi ouvert : la Russie, l’Iran et la Chine » : la géopolitique afghane s’est « multipolarisée ».

--- La Russie, contrairement aux Etats-Unis, est un Etat d’Asie centrale « aux ambitions régionales jugées légitimes », et après l’invasion militaire (1979-1989) qui s’est soldée par un désastre, elle juge plus efficace le profil bas. « Aujourd’hui M. Karzaï veut acheter du matériel militaire russe. Et les Américains eux-mêmes (…) quémandent auprès de MM. Poutine et Medvedev l’autorisation de faire transiter l’approvisionnement de l’OTAN par la frontière nord de l’Afghanistan, arrière-cour de la Russie. »

--- L’Iran, après une très longue éclipse, « reprend aujourd’hui ses marques sur e théâtre afghan, exploitant – comme lors de sa récente percée en Irak – la carte de la communauté chiite (minoritaire) ». But évident : « miner une présence américaine jugée menaçante ». Naguère l’Iran se dressait contre les talibans, sunnites ultraorthodoxes persécutant les chiites, mais « son jeu est devenu plus fin » : entre le danger sunnite taliban et le péril américain, « la priorité est d’endiguer le second ».

--- La Chine ? « Son ambition de se glisser dans le concert afghan s’inscrit dans sa politique générale à l’égard de l’Asie centrale. Deux impératifs l’animent : contrôler les foyers islamistes susceptibles de déstabiliser sa région occidentale du Xinjiang, peuplée d’Ouïgours musulmans, et s’approvisionner en matières premières. » Son offensive de charme auprès de Kaboul vient de lui permettre « une percée majeure en Afghanistan » : le droit d’exploiter la mine d’Aynak, considérée comme la deuxième réserve de cuivre du monde.

--- Le Pakistan, « très lié aux talibans combattant en Afghanistan » quoi qu’il prétende officiellement, a toujours cherché à installer à Islamabad un régime allié « afin de desserrer la pression de l’Inde rivale ». Vu que l’influence de l’Inde en Afghanistan s’est accrue depuis 2001, le Pakistan se sert des talibans comme d’ « actifs stratégiques » pour évincer les réseaux indiens : « Cette proximité rend inévitable le recours aux services secrets d’Islamabad quand sonnera l’heure des négociations » – le dialogue avec l’insurrection ou du moins avec certaines de ses factions est en effet probable.

--- L’Arabie saoudite « cumule les atouts » : elle est à la fois proche des Pakistanais, soutien historique de l’ancien régime taliban et haut lieu de l’islam. Elle s’imposera comme médiateur –nécessaire, car « le nationalisme afghan est très hostile au Pakistan, accusé d’ingérence permanente ». En 2008 ont été noués des contacts à La Mecque, et « ils sont appelés à se renouveler ».
Plus que jamais, la géopolitique afghane se complexifie, conclut Frédéric Bobin.

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TOUJOURS EN RETARD D’UNE GUERRE !

--- Quand la France se croyait en sécurité derrière la « ligne Maginot », elle était en retard d’une guerre, et l’attaque fulgurante de la puissance allemande nazie en fit la terrifiante démonstration.

--- Dans la course aux armements de la « guerre froide », en revanche, Etats-Unis et Union soviétique s’efforçaient d’avoir la suprématie technique et, en cas de conflit ou même sans guerre déclarée, la maîtrise du ciel. Les Russes avaient une longueur d’avance (premier spoutnik en 1957, d’où vent de panique à Wall Street, Gagarine premier homme dans l’espace en 1961…), et les Américains firent tout pour combler leur retard et dépasser les Soviétiques – mais des spécialistes de la stratégie pointèrent du doigt un risque dont, Dieu merci, on ne put mesurer la gravité puisqu’elle ne se fût révélée qu’en cas de guerre : la technologie des Etats-Unis était bien plus avancée que celle des Soviétiques, bien plus fine, plus miniaturisée, mais cela aurait pu, si la radioactivité augmentait brusquement à cause de l’explosion de bombes nucléaires, se retourner contre eux, car les ordinateurs de bord miniaturisés et à la pointe de la technologie dont disposaient les avions américains auraient été beaucoup plus vulnérables à cette radioactivité élevée et se seraient probablement détraqués. Le retard des Russes, lors de la guerre froide, aurait pu s’avérer un avantage dans les combats aériens et autres.

--- C’est également l’informatique qui risque de réserver à « l’Occident » de grosses surprises et de se retourner contre lui, en cas de guerre ou même sans conflit armé. Ose-t-on imaginer la panique des stratèges et logisticiens si une escouade de « pirates » bien organisés, que dis-je, une compagnie, voire un bataillon de pirates désorganisaient « l’ennemi » par une invasion massive de son système informatique ? Protégée par sa monnaie (valeur refuge pour d’honnêtes gens mais aussi pour des mafias) mieux que par ses tanks, malgré les assauts contre son fameux secret bancaire, la Suisse, sous la coupe des partis bourgeois, envisage d’acheter à grands frais, et au risque de susciter la colère du peuple (mais ce qui compte, ce sont les copieux et discrets pots de vin, peut-être), de nouveaux avions de combat : mais que pourra faire son armée, que pourra faire son administration contre des pirates informatiques de haut niveau s’ils décident de tout désorganiser ?

Et précisément, la Chine, assurent des milieux bien informés, forme des escouades, voire des bataillons de pirates informatiques. Ce qui est peut-être la meilleure sauvegarde de « l’Occident », c’est que les dirigeants chinois sont bien trop fins pour ruiner leurs principaux clients !

--- Autre surprise possible : les sursauts éthiques de celles et de ceux qui sont au courant de choses inavouables :
p.ex. des opérations prétendument « humanitaires », mais qui en réalité ont un tout autre but – je pense ici notamment à « Turquoise », opération lancée par Mitterrand et Juppé en juin 1994 pour voler, trop tard, au secours du Hutu Power qui continuait à perpétrer son génocide contre les Tutsi du Rwanda : « Turquoise », en évacuant finalement chez Mobutu ces tueurs, aura contribué à plonger pour des années le Zaïre/République Démocratique du Congo dans d’effroyables souffrances (voir POUR COMPRENDRE LA TRAGÉDIE DU RWANDA), ou la face cachée des circuits financiers (voir le chapitre « Le devoir d’informer » du livre SOLIDAIRES !). Ainsi, la finance internationale (multinationales, mafias, grosses fortunes) tremble depuis qu’au péril de sa vie un cadre informatique de la banque HSBC (Holdings PLC Hong Kong & Shangai Banking Corporation), Hervé Falciani, a fourni au fisc français une liste de comptes : non par appât du gain semble-t-il (il affirme n’avoir reçu aucune somme), mais par dégoût et indignation devant les astucieux montages financiers qui ont pour but essentiel d’échapper aux impôts. Il y a certes pour les employés des banques des engagements de confidentialité, à respecter en principe, mais restent-ils valables devant des fraudes évidentes, surtout si l’on tient compte du fait qu’une part importante des sommes gigantesques cachées dans les banques, en Suisse mais aussi ailleurs dans des paradis fiscaux bien pires, provient du crime organisé : trafic d’armes, d’organes, d’êtres humains y compris des enfants ? CB

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TRIAL (Track Impunity Always)

TRIAL (Track Impunity Always) est une association de droit suisse basée à Genève, regroupant des juristes, des militants des droits de l’Homme et des victimes. Son but principal est de mettre le droit au service des victimes des crimes les plus graves (génocides, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, tortures et disparitions forcées). A cette fin, TRIAL
--- lutte contre l'impunité des responsables, complices et instigateurs de crimes les plus graves ;
--- défend les intérêts des victimes devant les tribunaux suisses, les organes internationaux de protection des droits de l’Homme et la Cour pénale internationale ;
--- sensibilise le public à la nécessité de promouvoir la justice internationale et nationale à l'égard des crimes les plus graves.
Afin de promouvoir ces objectifs, les principaux domaines d’activités de TRIAL sont :
--- les actions juridiques, grâce notamment à son Centre d’action juridique (CAJ),
--- le dépôt de plaintes pénales contre des tortionnaires ou des criminels de guerre,
--- la diffusion des informations relatives à la justice pénale internationale, par le biais de Trial Watch,
--- une base de données en ligne qui offre un accès aisé aux procédures concernant les crimes internationaux, mais également la publication trimestrielle d’un journal et la diffusion quotidienne de « news »,
--- le lobbying, TRIAL assure notamment le secrétariat et la coordination de la Coalition suisse pour la Cour pénale internationale,
--- et la recherche, voir par exemple le projet « Jeux vidéo » (mené en collaboration avec Pro Juventute), qui a permis d’évaluer la compatibilité de différents ludiciels avec le droit international humanitaire.
Pour en savoir plus : site http://www.trial-ch.org.

Version anglaise:
TRIAL (Track Impunity Always) is a association under Swiss law, based in Geneva and composed of lawyers, human rights activists and victims.
The main objective of TRIAL is to use the law to bring justice to the victims of the most serious crimes (genocide, crimes against humanity, war crimes, torture and forced disappearances). In this sense, TRIAL
--- fights against the impunity of the perpetrators and instigators of the most serious international
crimes and their accomplices;
--- defends the interests of the victims before Swiss tribunals, international human rights organisms
and the International Criminal Court;
-- raises awareness about the need to promote international and national justice for the most serious
crime.
To promote its objectives, TRIAL implements a large number of activities in the following areas:
--- litigation, through the Advocacy Center TRIAL (ACT), or by the filing of criminal complaints against torturers or war criminals,
--- distribution of information relative to the international criminal law, thanks to Trial Watch, an online database which offers an easy access to numerous procedures concerning international crimes, but also the TRIAL journal published three times a year and a daily summary of news
--- lobbying, TRIAL provides the secretariat and the coordination of the Swiss Coalition for the International Criminal Court,
--- and research: for example the “Video Games project” (in collaboration with Pro Juventute) assessed the compatibillity of various video and computer games with international humanitarian law.
You are invited to visit http://www.trial-ch.org for a more detailed presentation of its activities.

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UN ENFANT PROTÉGÉ

« Un enfant protégé contre la Faim, la Misère, l’Injustice, la Violence ou le Napalm, c’est un homme devenu possible, gagné à la cause de l’humanisation du Primate, c’est un cerveau et un cœur disponibles demain pour la Sympathie, la Pitié et l’Entraide. Les discours, c’est très facile, mais cela n’engage à rien, on le voit tous les jours. Sauver un enfant, c’est peut-être moins aisé, mais mille fois plus nécessaire. » Théodore MONOD, Membre de l’Institut, ancien Président d’Honneur de « L’APPEL ».

L’éthique aconfessionnelle de « L’Appel », indépendante des partis politiques, soutient des actions venant en aide aux enfants et à leurs familles dans les domaines de la santé, de l’éducation et l’amélioration des conditions de vie : accès à l’eau potable, activités génératrices de revenus...

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DROITS DE L’ENFANT :

Si vous désirez recevoir régulièrement et gratuitement des infos de qualité sur les organisations de défense des droits de l’enfant et leurs combats, je vous conseille de consulter le site du CRIN (Child Rights Information Network, www.crin.org, info@crin.org) et/ou de vous inscrire aux « News » de « Crinmail ». Vous pouvez aussi me donner votre adresse de courriel, car j’envoie aussi (en « cci » pour que votre adrese ne risque pas d’être saisie par des spammeurs) des infos sur les droits des enfants et/ou des femmes (et des personnes en général), notamment sur les abus sexuels : il vous suffit de cliquer sur contact et de me faire connaître vos centres d’intérêt.
N’avoir aucun statut officiel me permet d’alerter l’opinion publique sur des scandales étouffés par le Pouvoir et par les médias qui lui sont inféodés – ce que je fais sans céder comme certains à la « théorie du complot ».

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Fillette traitée en esclave dans une famille d’accueil en France : le témoignage de Nathalie Kouyate

mon_enferIl ne s’agit pas d’une « République bananière » où les riches proches du Pouvoir peuvent tout se permettre, il ne s’agit pas d’un de ces drames innombrables d’exploitation du prolétariat qui à juste titre indignèrent Marx et tant d’autres, au dix-neuvième siècle. Non : cela s’est passé en France, dans les années 70, 80 et 90, sous la responsabilité légale des services sociaux, et seule l’intervention miraculeuse d’une assistante sociale intuitive et animée de sentiments humains a mis fin au trop long (de 7 à 17 ans) cauchemar de Nathalie. Certes, il y a des familles d’accueil dignes de confiance, certaines sont chaleureuses, voire salvatrices. Et les services sociaux, en France et ailleurs, ne sont pas toujours défaillants – à leur décharge je signale que nos Etats, qui dépensent des milliards pour des armements presque toujours inutiles, sont pingres en matière d’aide sociale. Mais le cas de Nathalie n’est pas le seul, hélas. Il convient donc d’alerter l’opinion publique.

C’est pourquoi j’ai à cœur de signaler à votre attention le bouleversant livre-témoignage de Nathalie Kouyate : « Mon enfer dans une famille d’accueil » (Editions du Moment, 15, rue Condorcet, 75009 Paris, 2013, 128 pages, 12,50 euros, www.editionsdumoment.com). En voici quelques extraits :

« J’avais presque sept ans lorsque ma vie a basculé. Sans aucune explication ni préparation, j’ai été placée dans une famille d’accueil, confiée à de parfaits inconnus dans la totale indifférence de mes parents et de l’Etat. (…) Et comme si cela ne suffisait pas, le destin m’a privée de l’amour de mon frère et de mes sœurs. Ceux qui ont remplacé mes parents n’ont jamais rempli leur rôle de tuteurs, ni sur le plan affectif ni sur le plan pédagogique. (…) Mes premières années m’ont été volées. »

« Aucun enfant ne résiste à la violence de l’abandon de ses parents. Il poursuit son existence comme s’il était amputé, mais la douleur du membre absent se fait toujours sentir. Quelle folie de croire que l’on peut remplacer une famille par une autre ! (…) Seuls les besoins matériels peuvent, en partie, être comblés, et les miens l’ont été. Le manque affectif, lui, persiste, dévastateur. »

« J’ai subi dans la famille qui m’a accueillie ce que peu d’enfants auraient eu la force de supporter. Pour rester debout, il m’a fallu accepter mes blessures et les surmonter. (…) Je n’ai voulu détester personne : ni mon père, ni ma mère, ni même la femme qui s’est substituée à eux. La haine m’aurait plongée dans une forme de désespoir ; j’ai préféré en vouloir au destin. (…) C’est ainsi que j’ai pu continuer, en refusant de me reconnaître comme une victime, celle de mes parents et celle de ces gens chargés de les remplacer. (…) Chaque parcours individuel est frappé du sceau de la fortune ou de l’infortune. Me concernant, la chance n’a pas été au rendez-vous des premières étapes de ma vie. »

Pourtant, un premier placement, effectué par les parents et non par les services sociaux, fut source de bonheur. La mère de Nathalie hospitalisée car atteinte de tuberculose, le père fit garder les trois enfants « par une nourrice exceptionnelle » : « Une véritable mère, veillant jour et nuit sur la fratrie avec la plus grande dévotion. Nous confier à elle fut la meilleure décision que mes parents ont prise de toute leur vie. La pire fut celle du placement familial. Nous avons vécu six mois auprès de cette femme. Ce furent les plus beaux jours de ma vie, malgré l’absence de mes parents durant toute cette période. Elle n’établissait aucune distinction entre ses enfants et nous. Elle nous aimait tous d’un amour inconditionnel. A ses côtés, la vie me semblait douce, paisible. Nous étions au centre de son attention, respectés comme des personnes à part entière. (…) Cette femme que je considérais comme une mère ne saura jamais à quel point la puissance de son amour m’a permis de surmonter certaines épreuves. Sa tendresse m’a nourrie toute ma vie, faisant naître en moi une énergie positive qui m’a aidée à devenir une femme, souvent fragile, mais aussi solide. Cet amour que j’ai reçu de ma première nourrice m’a permis de résister au désespoir. (…) Je crois n’avoir jamais reçu autant d’amour et de tendresse. »

Hélas, Nathalie, 7 ans, et son frère, 5 ans, sont ensuite placés dans une famille indigne de se voir confier des enfants. On ne leur laisse pas le temps d’embrasser leur petite sœur : « Je ne savais pas où ma petite sœur chérie allait, et de ne pas avoir pu la serrer dans mes bras pour lui dire au revoir m’a donné des remords durant des années. (…) Quel manque de psychologie de la part des travailleurs sociaux qui ont organisé ces placements ! Laisser partir ma sœur avec tant de brutalité ! Aucun jouet d’enfant ne nous attendait dans cette grande maison. Tout semblait vieux, morne, triste par rapport à l’appartement de notre nounou. Cette femme ne semblait ni aimante ni aimable. Incapable de parler avec la douceur naturelle de notre nourrice, chacune de ses phrases sonnait comme une injonction. (…) Je ne me suis jamais accommodée de sa dureté. (…) Nous n’avons jamais possédé notre propre chambre. (…) Après cette dure journée, mon frère et moi attendions des gestes d’affection. Aucune étreinte, aucun câlin n’a été au rendez-vous. Je me souviens simplement d’un baiser mécanique qui effleura ma joue. Ce fut le premier et le dernier. Mes parents ne nous aiment plus, ne veulent plus de nous, me suis-je dit, sinon nous ne serions pas ici avec cette sorcière. (…) Envahissante, son autorité, ses ordres m’étouffaient. Essuie la vaisselle, lave les carreaux, ramasse les feuilles dans le jardin, range le salon, mets la table… Elle m’empêchait de vivre tant elle désirait tout contrôler. Dominatrice, elle semblait apprécier la peur que je ressentais et montrais en sa présence. Sans doute lui donnait-elle l’impression d’avoir de l’emprise sur deux enfants noirs – et donc, selon ses préjugés, difficiles et potentiellement rebelles. Il n’en était rien. Mon frère et moi étions craintifs, doux comme des agneaux, perdus et seuls. (…) Cette femme m’angoissait chaque jour un peu plus. Je me repliais sur moi-même, comme pour me protéger et m’éteignais petit à petit. L’enfant si gaie, si joyeuse, disparaissait sous le poids de l’insensibilité et de l’indifférence de cette ‘‘tata’’. (…) Elle semblait constamment énervée pour un oui ou pour un non. J’avais l’impression de mal me comporter, de la gêner, de l’excéder. Son regard et son ton nous glaçaient chaque fois qu’elle s’adressait à nous. »

Services sociaux muets 
: « Mon frère et moi n’étions informés, ni par les services sociaux ni par l’assistante maternelle, de ce qu’allait être notre avenir, proche ou lointain. (…) Je pronostiquais, pour me rassurer, que notre séjour serait de courte durée et que nous rejoindrions nos parents dès qu’ils pourraient nous accueillir de nouveau. Je me trompais lourdement. Plus les jours passaient et plus je me rendais compte que je risquais de vivre dans cette famille jusqu’à ma majorité. (…) Aussi avais-je hâte d’atteindre mes dix-huit ans pour goûter à toutes les libertés : celle de jouer, de parler, de pleurer, de me rebeller… d’être moi-même. (…) Seule la chienne qui allait devenir mon plus fidèle soutien semblait comprendre ma peine. (…) Je lui confiais mes peines et étouffais mes larmes dans son magnifique pelage roux. »

Aucun respect de la pudeur de la fillette dans cette sinistre famille d’accueil : « Le premier jour, notre assistante maternelle nous donna un gant, du savon de Marseille, une brosse à dents et un tube de dentifrice. Elle nous montra comment puiser l’eau pour nous nettoyer. J’allais devoir me laver toute nue en plein jour, devant n’importe qui, voisins, visiteurs, invités, famille. »

Pire encore : des viols subis entre 8 et 13 ans, évoqués dans le 6e chapitre, « L’abomination » : « Cet homme, le fils de la famille, a été le cauchemar de mon enfance. Combien de fois ai-je eu envie de mourir après qu’il m’eut entraînée dans le garage pour soi-disant ranger quelques étagères. Il avait pourtant des petites amies. Mais derrière ses succès auprès de la gent féminine dont il se vantait (…) se cachait en réalité un prédateur sexuel, un pédophile. Je devais m’allonger le temps qu’il prenne son plaisir, deux, trois ou quatre fois de suite, puis il osait me demander : ‘‘Encore ?’’ Je secouais la tête pour lui dire non, mais il continuait. (…) Toutes les nuits, j’essayais de chasser de mon esprit ce qu’il m’avait fait. Je ne parvenais à m’endormir que bien tard, tant je luttais pour effacer ces viols de ma mémoire. J’avais honte, je me sentais sale, effrayée à l’idée de ce que deviendrait ma vie. J’ai passé mon enfance sans rien dire, sans parler, traumatisée. (…) Je me disais systématiquement que cette fois serait la dernière. Hélas ! Il a continué pendant six ans, jusqu’à mes treize ans. Je voulais le dénoncer, mais à qui aurais-je pu raconter ces horreurs ? Qui aurait cru mon histoire ? (…) J’avais envie de mourir. (…) Lorsque j’ai eu treize ans, consciente que j’étais devenue une jeune fille qu’il risquait de mettre enceinte, que j’aurais dû cacher la paternité de cet enfant et subir l’humiliation de cette famille qui n’hésiterait pas à me traiter de pute, je compris que je ne pouvais plus lui permettre de gâcher ma vie. Un dimanche, alors que la famille était réunie pour déjeuner, il m’entraîna dans une chambre du fond et fit son signe de tête habituel pour que je m’allonge. J’ai rassemblé tout le courage qui était en moi et, droit dans les yeux, je lui ai rétorqué : ‘‘Si tu continues, je vais le dire.’’ Comme un petit garçon, il me supplia de ne rien dévoiler et, à partir de ce jour, ne m’a plus jamais touchée. (…) Désormais, je n’aurais plus peur de personne. »

Révoltant, qu’un service social puisse confier une enfant de 7 ans à des êtres froids et cruels : « Jamais de caresses, de câlins, de rires, mais des ordres, des reproches et des cris. (…) Cette famille était coutumière des insultes. (…) J’étais blessée, meurtrie dès que mon assistante maternelle ouvrait la bouche. (…) Je ne pleurais jamais. Elle avait fini par me priver de toute la spontanéité et la candeur des enfants. Elle me tuait petit à petit, je n’osais même plus rire de peur de faire du bruit. Cette femme n’était absolument pas psychologue, démunie de tout sens maternel, un monstre de glace. (…) Toujours des petites phrases, des moqueries, jamais aucun encouragement. Aucune volonté de me découvrir, de me comprendre. Elle me reprochait sans cesse de mal faire, de mal agir. Mes gestes étaient constamment épiés et la moindre occasion de me rabaisser, saisie. De fait, je contrôlais toutes mes émotions. (…) Le ton autoritaire de cette femme semblait lui être naturel. Quand elle ne donnait pas d’ordres, elle hurlait. Aucune souplesse, aucune tendresse… un tempérament d’hystérique. Elle n’était pas faite pour travailler auprès d’enfants que, de toute évidence, elle n’aimait pas. (…) Humiliations, vexations constantes… mais à qui me plaindre ? »

Comme un chien : « Alors que la famille prenait ses repas au salon, nous devions, mon frère et moi, aller dans la cuisine avec le chien, et manger avec des couverts qui nous étaient réservés. (…) Lorsqu’on nous invitait à regarder la télévision – des programmes qui ne nous plaisaient pas, absolument pas adaptés aux enfants que nous étions –, c’était assis sur le tapis où nous devions rester sans broncher, alors que ‘‘tata’’ et sa famille étaient confortablement installés dans des fauteuils ou sur le canapé. (…) Cette femme portait un soin singulier à ne jamais mélanger nos couverts avec les leurs, même dans la bassine à vaisselle. Nos serviettes de table étaient marquées et rangées à l’écart. (…) Je compris finalement que nous étions potentiellement contagieux, puisque ma mère avait souffert de tuberculose… d’où notre placement sanitaire. »

Comme une esclave : « Cette famille a exploité toutes les ressources décelées en moi. Ils m’ont utilisée pour les assister au quotidien. Comme une esclave, ils m’appelaient et j’obéissais. J’exécutais tout ce que l’on me demandait, sans broncher, sans me plaindre. J’étais devenue l’ombre de ma nourrice. (…) Je devenais triste, je m’isolais. Un enfant qui ne sourit jamais, qui s’enferme dans le silence, devrait inquiéter n’importe quel professionnel de l’enfance. »

Des enfants exploités en toute liberté : « Il est douloureux de constater que l’amour des enfants n’est pas la raison pour laquelle certaines familles décident d’en accueillir. Bien souvent, ce sont des gens aux revenus très modestes, qui vivent à la campagne et ne trouvent pas de travail. Alors, pour subvenir à leurs besoins, certaines femmes au foyer choisissent de devenir assistante maternelle. Prendre en charge des enfants dont les parents sont des accidentés de la vie peut sembler une noble mission. Pourtant, sous une apparence de générosité, en toute liberté et sans être inquiétés ni par les parents ni par l’Etat, des familles se livrent à toutes formes d’exploitation sur des enfants qui, isolés, ne peuvent se défendre. »

Non-assistance à enfant en danger
 : « Personne n’a eu le courage de s’intéresser à moi, de me poser des questions, d’esquisser un geste de tendresse. Rien. Longtemps, je me suis demandé à quoi servait l’assistante sociale chargée de nous accompagner. (…) Une parfaite fonctionnaire pour laquelle j’avais peu d’estime, puisqu’elle n’avait ni regard ni tendresse envers mon frère ou moi. (…) Malgré les signaux d’alarme, jamais elle ne s’alerta des négligences de cette famille. Elle avait pourtant le devoir de veiller sur nous. (…) Les seuls contacts que j’ai eus avec la DASS se limitaient à la récupération des vêtements. (…) La responsabilité de ma tutrice n’est pas à considérer à la légère. L’Etat confie à ces femmes des enfants très vulnérables, ayant souvent subi trop d’épreuves pour leur jeune âge. Leur rôle consiste à leur apporter tous les moyens humains et matériels nécessaires à leur épanouissement, à les armer pour affronter la vie, avec ou sans parents, dès leur départ de la famille d’accueil. L’Etat, sans le savoir, venait de confier le sort de deux enfants à une femme correspondant aux critères exigés… mais insensible et cruelle. »

Une maman d’accueil dangereuse : « J’ai été l’exutoire de ma tutrice durant plus de dix ans, supportant ses cris, ses colères, ses ordres, ses humiliations. Cette femme aurait dû être approchée par des psychologues pour évaluer son aptitude à garder des enfants. Elle était un danger, une bombe à retardement pour tout enfant placé chez elle. »

Enfin une assistante sociale humaine : « Il a fallu attendre que mon assistante sociale qui m’avait suivie depuis mes sept ans parte à la retraite pour être enfin accompagnée par une assistante digne de cette profession. Elle m’a présenté la directrice de la DASS, qui m’a proposé de quitter la région pour m’inscrire dans un internat pour jeunes filles de la DASS qui apprennent le métier d’auxiliaires de puériculture. Je ne savais même pas de quoi il s’agissait, mais j’étais enthousiaste à l’idée de partir et j’ai accepté. » Nathalie obtient le diplôme, travaille dans un service de néonatologie, devient ensuite téléopératrice, puis assistante de direction, et enfin reprend ses études, hébergée par sa mère : licence d’histoire, maîtrise et CAPES. Après avoir parcouru son dossier, Nathalie conclut : « Ma vie aurait été pire si j’avais vécu auprès de mes parents, instables et irresponsables. C’est ainsi que j’arrive tant bien que mal à supporter ce que j’ai vécu, et que j’avance en saisissant tout ce qui peut rendre ma vie agréable et saine. »

L’épilogue du livre de Nathalie Kouyate nous interpelle : « Beaucoup de jeunes enfants ou d’adolescents ont cru être sauvés en se voyant placés en famille d’accueil. Ils échappaient sans doute à la violence de leur foyer mais, ironie du sort, pour assurer leur sécurité, l’Etat les confiait parfois à des assistantes maternelles elles-mêmes instables, voire dangereuses. Le placement (…) doit demeurer une mesure d’urgence provisoire qui mérite d’être davantage encadrée, pour que les enfants ne soient plus victimes de maltraitances physiques, morales ou sexuelles des familles de substitution. (…) Certaines assistantes familiales considèrent leur métier comme une véritable vocation, et offrent à ces êtres vulnérables l’affection et l’équilibre dont ils ont tant besoin. (…) Mais d’autres sont davantage motivées par la rémunération de cette activité particulière que par l’envie de sauver des enfants. (…) S’il est des assistantes familiales qui ont le cœur sur la main, d’autres s’avèrent très nocives pour les enfants placés. Elles doivent faire l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics, des conseils généraux et des services sociaux. La sélection des assistantes doit être exigeante, les membres de la famille d’accueil qui partageront le quotidien des enfants placés pendant plusieurs années doivent faire l’objet d’une évaluation minutieuse pour garantir le bien-être et la sécurité de ces derniers. (…) L’accueil institutionnel des enfants se doit d’être irréprochable. L’Etat représenté par les familles d’accueil a la responsabilité de protéger les enfants, d’apaiser leurs blessures et de favoriser leur santé mentale et non de laisser s’ajouter d’autres traumatismes. Je n’ai pas besoin de statistiques pour constater, hélas, que les violences se poursuivent dans la totale indifférence de l’Etat. (…) Ne pas étudier plus en profondeur ce volet de la maltraitance, le passer sous silence, c’est autoriser insidieusement les familles d’accueil à continuer leurs exactions sur ces jeunes en souffrance. Les politiques publiques, les associations doivent poursuivre leur travail pour que ces violences soient rapidement identifiées, quantifiées et que leurs auteurs soient punis par la loi. (…) Des milliers d’enfants souffrent et ne savent pas vers qui se tourner pour que cesse leur calvaire. Ne leur tournons pas le dos, tendons-leur la main. »

On ne saurait mieux dire, et je vous invite toutes et tous, que votre enfance ait été heureuse (c’est mon cas) ou qu’elle ait été malheureuse, à faire entendre autour de vous le cri d’alarme lancé par Nathalie Kouyate. CB.

enfant_placeSur ce sujet, signalons aussi le livre poignant des éducateurs François SCHLEMMER et Noël CONSTANT : « L’enfant placé : y a-t-il encore des bagnes d’enfants ? » (Editions Lynx, Nyon, Suisse, 230 pages, 20 CHF ou euros, port compris ; 3 ex. 40 id. ; 6 ex. 60 id. ; 10 ex. 80 id. ; 20 ex. 120 id. ; 50 ex. 200 id. ; 100 ex. 300 id. : ainsi des associations ou des écoles formant des éducateurs peuvent l’acquérir et le revendre en toute liberté). Pour l’obtenir : contact, en donnant votre adresse postale.

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« Omerta dans la police – Abus de pouvoir, homophobie, racisme, sexisme » : le livre-témoignage de Sihem Souid (en collaboration avec Jean-Marie Montali), collection Documents, Le Cherche Midi, Paris, 2010 (www.cherche-midi.com).

« Cet ouvrage n’est pas un pamphlet. Il s’agit d’un vécu de l’intérieur de l’institution policière, avertit d’emblée Sihem Souid. Tous les faits énoncés le sont sur la base de témoignages, de documents, procès-verbaux, comptes-rendus officiels, rapports et notes de service. Avec ce livre, il est possible que je perde mon emploi mais si la vérité est à ce prix, je n’aurai aucun regret. »

Sihem Souid est entrée dans la police par idéalisme, pour aider son prochain, pour « préserver les libertés, les défendre contre la loi du plus fort, celle de la rue ou celle de l’argent qui procure des privilèges, au sens premier du terme, qui bafoue donc l’intérêt général et les valeurs républicaines ». Ecœurée des abus qu’elle a constatés, et bien que, contrairement aux Etats-Unis, la loi ne protège pas en France les donneurs d’alerte (sauf s’il s’agit d’entreprises privées et de corruption), elle a pris le risque de les dénoncer : « Faire connaître à l’opinion publique les dérives de notre fonction est une œuvre de salut public. Abus de pouvoir, trafic de chiffres, discriminations de tous ordres doivent être inlassablement dénoncés. » Des centaines de collègues d’autres services de police de l’Hexagone et d’outre-mer partagent à des degrés divers son expérience des dysfonctionnements qu’elle a vécus, elle, à la Police aux frontières, souligne-t-elle. Hélas, en France, « il semblerait que le devoir de réserve du fonctionnaire soit supérieur au devoir de dénonciation d’une injustice par ce même fonctionnaire, qui est pourtant également un citoyen ». Désobéir à un ordre qu’on estime illégal vaut « au mieux le placard, au pire, la porte ». Pour les thuriféraires du devoir de réserve et les partisans de l’omerta, il s’agit de laver son linge sale en famille. Longtemps Sihem Souid a cru à cette option : « J’ai tenté d’alerter mes hiérarchies successives que la police ne tournait pas toujours rond et qu’on allait dans le mur. (…) J’ai hurlé, mais c’était dans le désert ! Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. En haut lieu, on a dû penser que j’allais me lasser, qu’en me proposant quelque hochet j’allais me taire. Tout le monde a un prix, paraît-il ! (…) Je suis sortie du rang. »

Page 58, après avoir donné des exemples du racisme et de la xénophobie de la Police aux frontières (PAF), Sihem Souid déplore qu’un jeune policier qui avait rédigé un rapport dénonçant le racisme d’une collègue soit devenu très rapidement la tête de Turc de ses chefs. Plus loin, elle consacre un chapitre à la PAF, sous le titre « La PAF, sans foi ni loi ? », où elle évoque entre autres le cas d’une Noire qui, ayant voulu s’étrangler avec ses habits, reste nue dans sa cellule : tous les policiers défilent et ricanent, de « rires gras et pervers », et une policière prend un malin plaisir à la filmer avec son téléphone portable : « Un remake à peine inconscient des zoos humains du début du XXe siècle ! » Ailleurs, elle donne des exemples des blagues ignobles sur les Arabes ou les Noirs qu’adorent échanger nombre de policiers.

La corruption de certains fonctionnaires de police elle aussi est dénoncée par Sihem Souid. Le chapitre « L’ivresse du pouvoir » signale le cas d’Alain Bianchi, patron de la PAF d’Orly, où il règne « en boulimique insatiable, couvert de cadeaux » : une semaine à Djerba, en Tunisie, « un pays de bougnoules », offerte par Tunis Air, cadeaux et extras compris, en octobre 2007. Un an plus tard, Air France l’envoie en première classe en Colombie, avec sa famille. Une soudaine envie de chasse ? « Hop, un petit aller-retour dans la journée au Maroc, aux frais de Royal Air Maroc. Et des policiers portent ses bagages. » Il va de soi, pour lui, que « ses agents sont à son service » : des gradés sont chargés de monter une commode au troisième étage de l’immeuble où sa fille vient d’emménager. L’un d’eux proteste : il est muté à la police générale, en horaires décalés, c’est-à-dire nocturnes. « Tout le monde le sait et tout le monde la ferme. Les flics se sont habitués au fait que leur patron est corrompu. Il n’a même pas besoin de nous menacer pour qu’on se taise. J’ai la nausée. J’ai l’impression de trahir mon uniforme et tout ce en quoi je crois. » Les passe-droits qu’il délivre aux uns et aux autres « désorganisent complètement le service ». Un jour, il rédige une note exigeant de ses agents qu’ils multiplient les amendes contre les compagnies qui ne respectent pas assez les règles de la sûreté aéroportuaire : par exemple, 750 euros pour le port d’un badge non visible par un agent d’escale. Les amendes pleuvent. Air France se plaint. Difficile d’accepter des billets d’avion gratuits pour les tropiques d’une main et de verbaliser la compagnie de l’autre. Bianchi engueule les responsables : s’ils veulent faire du zèle, qu’ils choisissent une autre compagnie ! Finalement, suite à une lettre anonyme dénonçant le scandale et au témoignage de Sihem Souid, l’Inspection générale des services de la police nationale (IGPN) « met son nez dans le marigot de la PAF d’Orly, et elle se pince le nez : ça pue comme un panier de sardines en décomposition ». La situation s’inverse, les langues se délient, « c’est à qui racontera l’anecdote la plus croustillante sur le patron ». Sihem Souid est partagée : elle n’éprouve pour Bianchi aucune considération, n’a nulle envie de le plaindre, car il n’a que ce qu’il mérite, mais elle déteste « cette lapidation sans gloire ni courage ». « Le Canard enchaîné » publie un article bien informé, le scandale devient public, le ministère de l’Intérieur se voit obligé de sévir.

Mais « le système est vérolé », « pourri jusqu’à la moelle » : les têtes changent, c’est tout, « alors qu’il faudrait tout raser pour tout rebâtir ». Le 30 avril 2009, un article de l’hebdomadaire « Le Point » accuse la femme qui a succédé à Bianchi de tricher avec les statistiques : pour gonfler les chiffres des reconduites à la frontière et tenir chaque mois l’objectif des 120 INAD (les non-admis sur le territoire français), la commissaire de la division immigration aurait donné – oralement, bien sûr – la consigne « de froisser certains passeports pour les rendre suspects ». « On compte une dizaine d’expulsions par semaine, que j’estime illégales, décidées par la Police aux frontières d’Orly », dénonce Sihem Souid : « Par exemple, si en principe la jurisprudence et le droit international préservent l’unité des familles depuis plusieurs années, cela ne perturbe pas particulièrement plusieurs flics d’Orly, obsédés par les chiffres. Seul compte le nombre d’expulsés au détriment de la préservation de la cellule familiale. »

Sihem Souid refuse de couvrir des pratiques illégales et viole délibérément son devoir de réserve, car « le silence, c’est le début de la complicité » et que son boulot, « c’est de faire respecter la loi », qui à Orly « n’est qu’une vaine parole vide de sens ». Son livre, elle l’a écrit pour que les choses changent, pour que certains chefs de la police cessent d’user de menaces pour arranger la vérité et faire taire les subordonnés indignés de ce qu’ils constatent. Elle souhaite par ailleurs que les salaires des policiers soient adaptés à la dangerosité de leur mission : « Aujourd’hui, un homme en poste toute la semaine derrière un bureau perçoit exactement la même paye qu’un flic de terrain du même grade, mais qui se prend des cailloux sur la tête à longueur de journée. Des cailloux, ou des machines à laver lancées du dixième étage d’une tour délabrée d’un quartier plus délabré encore. Ou une balle de revolver. Ou une rafale de kalachnikov, une roquette ou une grenade. Parce qu’on en est là. » Elle s’insurge contre les propos tenus en 2003 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et qui s’en prenait au patron de la police de Toulouse : « Vous n’êtes pas des travailleurs sociaux. (…) Les citoyens attendent d’abord de vous que vous arrêtiez les délinquants. » La plupart des flics pensent le contraire, affirme Sihem Souid : « Nous sommes quelques-uns à nous dire que notre boulot consiste aussi à ce que des jeunes déstructurés ne deviennent pas des délinquants. Qu’il faut s’en occuper avant d’avoir à leur passer les menottes aux poignets. C’est ça aussi, notre boulot : prévenir. Aider et servir. Quand on joue au foot avec un gamin des cités, il ne nous voit plus comme un ennemi. Mais comme quelqu’un qui lui ressemble. Ou, mieux encore, comme quelqu’un à qui il aimerait ressembler. (…) Avec la méthode Sarkozy, Toulouse ne se porte pas mieux : les vols avec violence ont augmenté de 49% entre 2009 et 2010. »

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POUR UNE ÉDUCATION ANTIRACISTE :

Dans le cadre de la formation continue « Migration et Education » (26-28 mars 1998) et en collaboration avec la Centrale de coordination pour la Formation continue de l’université de Berne, a été réalisée une brochure de 40 pages, « QUELQUES ASPECTS D’UNE ÉDUCATION ANTIRACISTE – Théorie et pratique ». Elle a pour auteur Cintia Meier-Mesquita, Dr sociol., une Portugaise d’origine indienne, née à Goa et qui a grandi en Europe et en Afrique et vit désormais en Suisse, enseignant et poursuivant des recherches à l’Institut de Sociologie de l’université de Berne.

Quelques phrases extraites de la conclusion :

« Ce travail tente d’amener à la conscience des Suisses responsables quelques aspects du racisme et de l’éducation antiraciste. Le problème du racisme ne se réduit pas à des opinions et à des préjugés ou aux conséquences négatives de la rencontre de personnes provenant de cultures différentes ; le racisme doit être compris comme un problème social. »

« Cette société [helvétique] a une longue tradition démocratique et humaniste, et par conséquent le racisme est fortement nié. De plus, le manque de contact avec les non-Européens a rendu possible jusqu’à nos jours un processus de socialisation présentant des aspects racistes inconsciemment intériorisés »

« La partie pratique de l’éducation antiraciste montre comment, à partir d’exemples concrets, il est possible de présenter équitablement d’autres cultures. Il faut cependant préciser qu’une éducation antiraciste dépasse les frontières de la connaissance d’autres cultures. Elle doit être pratiquée, vécue à l’école ; c’est pour cela que des propositions pour une vie en commun sans racisme ont été formulées. »

« Finalement quelques jeux de rôle ont été présentés, permettant de reconnaître ses préjugés, ses prises de position, ses comportements personnels et discriminatoires envers d’autres personnes. Ces jeux servent de pratiques d’apprentissage non-cognitives. Des formes subtiles d’un racisme qui sinon resterait inconscient viennent à jour grâce à eux. »

Cette brochure, complétée par une bibliographie, devrait être largement répandue parmi les responsables de l’enseignement et de l’éducation, les enseignants, éducateurs et travailleurs sociaux, mais elle est utile également aux parents et aux ecclésiastiques, ainsi qu’aux politiques et aux défenseurs des droits humains. Un stock a été mis à ma disposition. Les personnes intéressées n’ont qu’à cliquer sur contact et à m’écrire, en donnant comme référence « Education antiraciste ».
Si vous avez à cœur de contribuer à une lutte efficace contre les préjugés racistes encore ancrés dans certains esprits, préjugés aux conséquences parfois graves, je vous suggère de répandre cette brochure autour de vous, en ciblant les personnes, associations ou organismes qui sauront en faire bon usage (vous l’aurez pour trois fois rien, selon les quantités). CB

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